Le statut de citoyen européen a-t-il une valeur pour l’enfant vivant hors du territoire de l’Union ?

Observations sur l’arrêt CJUE, 22 juin 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Mère thaïlandaise d’un enfant mineur néerlandais), C-459/20, ECLI : EU : C : 2023 :499

Rondu Julie

Un ressortissant de pays tiers, parent d’un citoyen de l’Union mineur, peut-il bénéficier d’un droit de séjour dérivé dans l’État membre de nationalité de l’enfant citoyen, alors que ce dernier n’a jamais résidé dans cet État, ni même sur le territoire de l’Union ? La logique de l’arrêt Ruiz Zambrano[1], et de la ligne jurisprudentielle qui s’en est suivie[2], était de protéger les enfants[3], citoyens de l’Union résidant dans leur État membre de nationalité, contre l’éloignement physique du territoire de l’Union, qui résulterait du refus de séjour opposé au membre de la famille dont ils dépendent. Le territoire de l’Union est ainsi implicitement conçu comme le seul espace dans lequel peuvent s’épanouir pleinement les droits du citoyen de l’Union.

Les droits inhérents à la citoyenneté européenne, consacrés pour l’essentiel à l’article 20, paragraphe 2, TFUE, s’exercent en effet pour la plupart au sein des États membres de l’Union. L’on songe évidemment au droit à la liberté de circulation et de séjour, à l’égalité de traitement avec les nationaux de l’État membre d’accueil[4], ou encore au droit de vote aux élections locales dans l’État membre de résidence. Bien que certains droits politiques puissent être exercés de manière dématérialisée depuis n’importe quel pays tiers[5], il n’est pas toujours possible, pour un citoyen de l’Union résidant dans un État tiers, d’exercer son droit de vote aux élections européennes sur le territoire dudit État tiers[6]. Seule la protection diplomatique et consulaire constitue finalement un droit du citoyen qui ne peut s’exercer qu’hors du territoire de l’Union[7], de sorte que le citoyen vivant au-delà des frontières de l’Union n’est pas totalement dépourvu de protection. Malgré ses potentialités, ce droit n’est néanmoins que peu mis en pratique[8]. En définitive, le séjour sur le territoire de l’Union est bien le seul à même de permettre la jouissance effective de l’ensemble des droits attachés au statut de citoyen.

Considérer que la citoyenneté n’est qu’une coquille vide sans présence physique sur le territoire de l’Union constitue-t-il un constat d’échec de la dimension externe de la citoyenneté ? De l’aveu même de l’avocat général Sharpston, « ce statut n’a qu’une importance limitée en dehors de l’Union »[9]. La Cour ne le nie pas. Pour protéger l’effet utile du statut de citoyen, elle accepte ainsi, dans l’arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, d’étendre la protection offerte par la jurisprudence Ruiz Zambrano lorsque l’enfant citoyen n’a jamais été présent sur le territoire de l’Union.

Malgré cette ouverture de principe, les faits de l’affaire commentée laissent toutefois subsister un doute quant au point de savoir si les circonstances exceptionnelles, exigées par la jurisprudence de la Cour pour justifier d’étendre l’applicabilité du droit de l’Union à des situations dépourvues de tout lien avec l’exercice d’une liberté de circulation[10], se trouvent remplies. En l’espèce, la requérante, ressortissante thaïlandaise ayant séjourné de manière régulière aux Pays-Bas, y épouse un ressortissant néerlandais. Elle donne naissance en Thaïlande à leur enfant, de nationalité néerlandaise, avant de regagner les Pays-Bas. L’enfant, confié à sa grand-mère, demeure en Thaïlande. Près d’une décennie plus tard, en raison de la séparation de fait des époux, suivie de leur divorce, les autorités néerlandaises révoquent le droit de séjour de la requérante, qui se voit finalement expulsée vers son État d’origine.

Lors de l’introduction de la demande préjudicielle, l’enfant citoyen de l’Union, âgé de dix ans, a toujours vécu dans cet État tiers et n’a jamais foulé le sol d’un État membre de l’Union européenne. La requérante tente alors de démontrer la relation de dépendance qui existerait entre elle et son enfant afin de contester le refus de séjour sur le territoire néerlandais dont elle fait l’objet. Elle argue devant les juridictions nationales que depuis son retour forcé en Thaïlande, ayant eu lieu un peu plus d’un an avant l’introduction du renvoi préjudiciel, elle s’occupe quotidiennement de son enfant, dont la grand-mère ne serait plus en mesure de prendre soin en raison de son état de santé. De surcroît, un jugement d’une juridiction thaïlandaise lui aurait conféré la garde exclusive de l’enfant. En outre, l’enfant aurait été financièrement à sa charge depuis sa naissance. Enfin, le père de l’enfant ne pourvoirait pas à ses besoins et n’entretiendrait plus de relation affective avec lui. Les autorités néerlandaises doutent de ces arguments, estimant notamment que la requérante n’a pas démontré prendre effectivement soin de l’enfant, et que l’éloignement physique de la mère et de l’enfant depuis la naissance rendrait peu probable l’existence d’un lien de dépendance.

Surtout, et cet argument n’est pas évoqué dans l’arrêt, si le lien de dépendance implique qu’il est impossible, pour le citoyen et le ressortissant de pays tiers, de vivre séparément, ce serait paradoxalement l’exécution de la décision néerlandaise d’éloignement du territoire qui aurait permis l’établissement de ce lien, en rapprochant géographiquement les deux membres de la famille. L’expulsion de la requérante vers la Thaïlande a initié le resserrement des liens entre la mère et l’enfant, sans lesquels il n’aurait guère pu être conclu à une relation de dépendance.

Doutant de l’obligation d’accorder en l’espèce un droit de séjour sur le territoire des Pays-Bas à la requérante, le tribunal de La Haye soumet finalement à la Cour de justice plusieurs questions préjudicielles, portant notamment sur le caractère absolu ou relatif des droits attachés au statut de citoyen, ou encore sur les modalités d’appréciation du lien de dépendance.

Ce faisant, le juge néerlandais offre à la Cour une importante occasion de se prononcer sur les effets externes du statut de citoyen de l’Union. L’absence du territoire de l’Union, ainsi que la dépendance du mineur, rendant en pratique impossible l’exercice autonome des droits attachés au statut de citoyen, constituent-ils des obstacles dirimants à la jouissance effective du statut ? La Cour rend une solution doublement favorable à l’effectivité du statut de citoyen. En effet, elle admet l’extension au citoyen se trouvant dans un État tiers de la protection offerte sur le fondement de l’article 20 TFUE au citoyen déjà présent dans un État membre (Partie I). De surcroît, elle refuse de céder à la tentation d’opposer les droits de l’enfant et ceux du citoyen. La minorité ne saurait ainsi servir de prétexte à la négation des droits que l’enfant tire de son statut de citoyen de l’Union (Partie II). Si l’absence du territoire de l’Union comme la dépendance inhérente à la minorité continueront sans doute de facto d’affecter l’exercice des droits liés au statut de citoyen de l’Union, le citoyen mineur pour lequel est formé un projet concret de mobilité vers le territoire de l’Union ne devrait plus rencontrer d’obstacles de droit.

Partie I – L’effectivité du statut de citoyen de l’Union malgré l’absence du territoire de l’Union

 La Cour accepte d’étendre la jurisprudence Ruiz Zambrano à des situations dans lesquelles le citoyen dépendant se voit, de fait, privé de la possibilité d’entrer et de séjourner sur le territoire de l’Union (A). Toutefois, dans la logique de cantonner à des situations exceptionnelles une telle ouverture de l’applicabilité du droit de l’Union à des situations purement internes, la Cour requiert un exercice réel, et non seulement potentiel, de la libre circulation (B).

A. L’impossibilité de fait de se rendre sur le territoire de l’Union, une atteinte au statut de citoyen

La Cour rappelle constamment que la qualité de national confère un droit de séjour inconditionnel dans son État de nationalité[11], de sorte que l’enfant citoyen doit nécessairement disposer d’un droit d’entrée dans ledit État. Il est d’ailleurs loisible de rappeler que les citoyens de l’Union en provenance d’un État tiers ne faisant pas partie de l’espace Schengen ne se voient imposer qu’une vérification minimale aux frontières extérieures de l’Union[12].

Toutefois, il convient de rappeler que, même lorsque l’enfant citoyen réside sur le territoire de l’Union, son droit à se maintenir sur le territoire de l’Union n’est pas absolu. Les arrêts Rendón Marín et CS[13] établissent en effet que, dans l’hypothèse où le parent ressortissant de pays tiers constituerait une menace réelle, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société, les autorités nationales seraient en droit de procéder à son éloignement, nonobstant la privation de jouissance effective de l’essentiel de ses droits que cela entrainerait pour le jeune citoyen[14].

De surcroît, la perte de la nationalité pour l’enfant binational qui a sa résidence hors de l’Union pendant une durée significative n’est pas en soi contraire au droit de l’Union, sous réserve d’une appréciation individualisée à la lumière des droits fondamentaux. Établi par l’arrêt Tjebbes[15], qui concernait également les Pays-Bas, ce constat implique que l’enfant citoyen de l’Union peut en certaines circonstances perdre son droit d’entrée et de séjourner sur le territoire de l’Union européenne. Il confirme qu’il n’existe pas, pour l’enfant citoyen, de droit absolu au territoire de l’Union.

Toutefois, dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, l’enfant en cause ne possède qu’une nationalité, que les autorités néerlandaises ne prétendaient nullement lui retirer. Son statut de citoyen n’est donc pas juridiquement mis en cause, mais son effectivité est, de fait, menacée par l’impossibilité de se rendre sur le territoire de l’Union européenne. Il ne s’agit donc pas, comme dans l’affaire Tjebbes, d’une question relative à la nationalité, compétence retenue des États membres conformément au droit international[16], mais bien d’une question d’effectivité du statut de citoyen de l’Union, ce qui offre davantage de latitude à la Cour. Certes, les dispositions « concernant le droit d’entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers en dehors du champ d’application des dispositions du droit dérivé de l’Union » relèvent « a priori de la compétence des États membres »[17], mais les situations du type Ruiz Zambrano présentent néanmoins « un rapport intrinsèque avec la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union »[18].

En outre, la Cour avait déjà estimé dans l’arrêt M.D. (Interdiction d’entrée en Hongrie), qu’« une interdiction d’entrée sur le territoire de l’Union, imposée à un ressortissant d’un pays tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union, peut aboutir à priver ce citoyen de la jouissance effective de l’essentiel des droits conférés par son statut »[19], lorsque la relation de dépendance est telle que le citoyen serait contraint de quitter le territoire de l’Union. Dans cette affaire, le ressortissant de pays tiers disposait toutefois d’un droit de séjour dans un autre État membre, dans lequel il avait établi une société, de sorte que son enfant mineur et sa compagne, tous deux citoyens de l’Union, n’auraient en principe pas été contraints de quitter le territoire de l’Union pris dans son ensemble, mais seulement leur État membre de nationalité. Néanmoins, la décision d’interdiction d’entrée et de séjour adoptée par les autorités hongroises ayant une portée européenne, elle avait pour effet de priver le requérant de tout droit de séjour sur le territoire de l’Union[20], de sorte que les autorités nationales ne pouvaient édicter une telle décision sans une appréciation préalable de la relation de dépendance entre le ressortissant de pays tiers et les membres de sa famille citoyens de l’Union[21].

Forte de ce précédent jurisprudentiel, la Cour conclut que « les conséquences, pour l’enfant citoyen de l’Union, du fait d’être empêché, en pratique, d’entrer et de séjourner dans l’Union doivent être considérées comme étant analogues à celles découlant du fait d’être obligé de quitter le territoire de l’Union »[22]. En d’autres termes, être contraint de demeurer dans un pays tiers avec son parent serait similaire à être contraint de quitter le territoire de l’Union. Il est vrai que l’élément de rattachement au droit de l’Union constitué par la jouissance effective de l’essentiel des droits découlant du statut de citoyen est indépendant d’un quelconque exercice de la libre circulation, et ne se fonde que sur l’article 20 TFUE. Il ne dépend que de la qualité de citoyen, de sorte que le fait de résider sur le territoire de l’Union ne devrait pas constituer une condition pertinente.

Toutefois, il découle du substrat jurisprudentiel formé à partir de l’arrêt Ruiz Zambrano que l’obligation d’accorder un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 20 TFUE n’est pas absolue. Cela est d’autant plus vrai dans le cas où le citoyen ne réside pas sur le territoire de l’Union, car il est alors indispensable d’établir un lien certain entre l’octroi d’un droit de séjour au ressortissant de pays tiers, et l’installation du citoyen dans son État membre de nationalité.

B. L’exigence d’un effet réel sur l’exercice des droits du citoyen

À la différence de son avocat général, la Cour ne fait nullement référence à un possible abus de droit, ou à une potentielle instrumentalisation de l’enfant citoyen par le ressortissant de pays tiers afin d’obtenir un droit de séjour dans un État membre sans pour autant projeter une vie familiale effective avec l’enfant. Elle pose cependant des limites à l’invocation du statut de citoyen par le parent d’un enfant résidant dans un pays tiers.

En premier lieu, le refus de séjour opposé au parent n’est susceptible d’affecter les droits de l’enfant citoyen que si ce dernier doit effectivement entrer et se maintenir sur le territoire de son État membre de nationalité[23]. Il est évident que si l’enfant demeure dans un État tiers, le droit de l’Union n’impose aucune obligation d’accorder un droit de séjour dérivé à son parent[24]. Dans une parfaite continuité avec la ligne jurisprudentielle initiée par l’arrêt Ruiz Zambrano, le ressortissant de pays tiers continue à n’être considéré « qu’en tant qu’il est le moyen pour le citoyen de séjourner sur le territoire de l’Union »[25]. La Cour refuse logiquement l’inversion de ce raisonnement, qui ferait de l’enfant citoyen un simple instrument visant à l’obtention d’un droit de séjour par le ressortissant de pays tiers. L’avocat général avait quant à lui expressément mis en exergue le « risque éventuel que cet enfant soit considéré comme étant le moyen pour le ressortissant de pays tiers de séjourner sur le territoire de l’Union, ce qui constituerait un détournement du droit de séjour dérivé octroyé au titre de l’article 20 TFUE »[26]. Il insistait sur la nécessité d’éviter « toute manœuvre abusive »[27]. Néanmoins, la Cour a toujours fait preuve de réticence envers la notion d’abus de droit en matière de liberté de circulation et de séjour et de citoyenneté[28]. Le recours à cette notion, qui « suppose par hypothèse un jugement de valeur, dont toute dimension morale n’est pas exclue »[29], aurait fait courir le risque de stigmatiser la requérante, ce qui n’est pas indispensable dès lors que l’on sonde la volonté réelle de cette dernière de séjourner effectivement avec son enfant aux Pays-Bas. En outre, la volonté de la Cour de promouvoir l’effectivité des libertés de circulation l’a conduit à ne pas condamner l’usage opportuniste des libertés de circulation[30]. Il est donc cohérent que la Cour ne fasse pas référence à un éventuel comportement abusif, tout en étant vigilante à ce que l’enfant soit réellement au cœur du projet de retour sur le territoire de l’Union.

Il en résulte qu’un droit de séjour dérivé au titre de l’article 20 TFUE n’a pas vocation à être octroyé au parent ressortissant de pays tiers « dans une situation dans laquelle ni la demande de ce parent visant à obtenir un droit de séjour dérivé ni le contexte général de l’affaire ne permettent de conclure que [l’]enfant, qui n’a jamais séjourné dans l’État membre dont il a la nationalité, va exercer ses droits de citoyen de l’Union en entrant et en séjournant avec ledit parent sur le territoire de cet État membre »[31]. Classiquement, la Cour de justice estime qu’il incombe à la juridiction de renvoi de l’apprécier. L’écueil de cette jurisprudence se décèle alors aisément, puisque cette appréciation, largement prospective, comporte nécessairement une importante part de subjectivité. Comment juger, en effet, de la volonté de la requérante d’être effectivement accompagnée de son enfant, autrement qu’en se basant sur les dix années durant lesquelles elle n’a pas pourvu aux soins quotidiens de ce dernier ? La Cour ne livre pas davantage d’indications au juge de renvoi.

L’avocat général, quant à lui, s’était prononcé sans ambiguïté sur la volonté présente de la mère de retourner aux Pays-Bas avec son enfant, relevant notamment qu’« elle n’aurait entamé aucune démarche pour que l’enfant s’installe effectivement aux Pays-Bas, de sorte que la situation d’espèce serait dépourvue de lien avec la liberté de circulation et de séjour »[32]. Si l’argument peut être discuté, en ce qu’il exige de la mère qu’elle accomplisse des démarches avant de savoir si elle sera en mesure d’accompagner effectivement son enfant, il est vrai que la seule demande de séjour ne garantit pas que son intention soit réellement d’emmener avec elle son enfant aux Pays-Bas. Au titre des démarches susceptibles de servir de preuve, l’avocat général suggérait que « l’acquisition ou la location d’un logement dans cet État membre ou l’inscription dans une école pourraient constituer des indices relativement forts »[33]. Si l’on ne peut que souscrire à la crédibilité de telles preuves, peut-on raisonnablement exiger de telles démarches de la part d’un ressortissant de pays tiers qui, venant d’être expulsé vers son État d’origine, n’a aucune certitude qu’un droit d’entrée et de séjour lui sera à nouveau reconnu ? Toujours est-il que, malgré le flou entretenu par la Cour, l’absence de toute démarche permettant d’accréditer la volonté de la requérante d’être accompagnée de son enfant pourra être prise en considération par la juridiction nationale. Sans spéculer sur la décision finale de cette dernière, il est probable au vu des faits qu’elle conclue à l’absence d’obligation d’accorder un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 20 TFUE, en arguant du fait que cela n’aurait pas de conséquence sur l’exercice de ses droits par l’enfant.

En définitive, si l’absence du territoire ne doit pas constituer un obstacle insurmontable pour l’enfant citoyen qui prétendrait désormais séjourner dans son État de nationalité, la Cour ne se contente pas d’un exercice simplement potentiel ou hypothétique de cette possibilité. Si elle avait pu ériger la mobilité potentielle en élément de rattachement au droit de l’Union d’une situation dans laquelle il n’y avait pas eu d’exercice de la libre circulation[34], il est parfaitement logique qu’elle se montre plus restrictive en l’espèce. En effet, il ne s’agit pas de préserver la possibilité, pour un citoyen de l’Union, d’exercer sa liberté de circulation, droit par excellence du citoyen, mais de permettre à un citoyen de se rendre dans son État de nationalité, dans lequel il dispose d’un droit de séjour inconditionnel non pas en vertu du droit de l’Union, mais en vertu d’un principe de droit international. Autrement dit, le rattachement au droit de l’Union d’une situation purement interne telle que celle en cause au principal, ne peut se contenter d’un retour purement hypothétique dans l’État membre de nationalité.

L’effectivité du statut de citoyen est ainsi assurée sans étendre démesurément le champ d’application du droit de l’Union. Cette recherche d’effectivité du statut se prolonge face au second obstacle à la jouissance effective des droits : celui de la minorité, et de la dépendance qu’elle engendre pour le jeune citoyen.

Partie II – L’effectivité du statut de citoyen de l’Union malgré la minorité

S’il est établi que les citoyens mineurs sont titulaires des droits inhérents à ce statut au même titre que les citoyens majeurs[35], il n’en demeure pas moins qu’ils restent, de fait, dépendants d’un adulte pour leur exercice concret. Ce hiatus conduit la Cour à devoir repousser une tentative des autorités nationales de nier les droits du jeune citoyen au prétexte, non pas directement de sa minorité, mais de l’intérêt supérieur de l’enfant (A). Le juge de l’Union apporte également des précisions sur l’appréciation du lien de dépendance entre l’enfant et le membre de sa famille, dans la situation particulière où ce dernier ne se trouve auprès de lui que depuis une courte période (B).

A. Le refus de la Cour d’opposer droits fondamentaux et droits du citoyen de l’Union


La juridiction de renvoi se livrait à une tentative de retournement des droits fondamentaux contre les droits liés au statut de citoyen de l’Union. Pourtant soutenue par l’avocat général[36], cette démarche pernicieuse est fermement rejetée par la Cour.

La seconde question portait, en effet, sur le rôle de l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’appréciation de la nécessité d’octroyer un droit de séjour au parent dont il est dépendant. En d’autres termes, la demande de séjour peut-elle être rejetée au motif que le déplacement de l’enfant citoyen vers son État de nationalité « n’est pas dans l’intérêt, réel ou plausible, dudit enfant »[37] ?

La Cour rappelle sans ambiguïté que « le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, conféré à chaque citoyen de l’Union, découle directement du statut de citoyen de l’Union, sans que son exercice soit subordonné à la démonstration d’un intérêt quelconque à en invoquer le bénéfice »[38]. Au-delà même des obligations au titre du droit de l’Union, il a déjà été rappelé qu’en vertu d’un principe de droit international, les nationaux jouissent dans leur État de nationalité d’un droit de séjour inconditionnel, de sorte qu’un État membre ne peut évidemment refuser à ses propres ressortissants d’entrer et de séjourner sur son territoire en leur opposant un prétendu défaut d’intérêt à le faire[39]. Concernant plus spécifiquement l’intérêt supérieur de l’enfant en tant que droit fondamental, la Cour rappelle que ce dernier doit effectivement être mobilisé dans l’appréciation du lien de dépendance de l’enfant[40], mais en aucun cas être invoqué pour le priver de la jouissance de ses droits de citoyen. L’intérêt supérieur de l’enfant peut « être invoqué en vue non pas de rejeter une demande de titre de séjour, mais, au contraire, de faire obstacle à l’adoption d’une décision contraignant cet enfant à quitter le territoire de l’Union »[41]. Seule cette solution permet en effet de préserver « l’aptitude de cet enfant à exercer les droits qu’il tire du statut que lui confère l’article 20 TFUE »[42], et, conséquemment, l’effectivité du statut de citoyen.

Même rejetée par la Cour, cette tentative d’exploiter les droits fondamentaux, et en particulier l’intérêt supérieur de l’enfant, dans un sens défavorable aux droits du citoyen de l’Union, est symptomatique. Par le passé, il a pu être reproché à la Cour de ne fonder certaines décisions que sur les droits du citoyen, en éludant totalement les droits fondamentaux, s’agissant notamment de la situation d’apatridie, éminemment problématique pour les droits fondamentaux[43], ou encore de l’éloignement d’un membre de la famille[44]. Au fil de ses arrêts, la Cour a néanmoins mobilisé de manière croissante les droits fondamentaux, qui enrichissent des solutions rendues sur le fondement de la citoyenneté[45]. Si une partie de la doctrine continue de regretter que le statut de citoyen n’impose pas à lui seul le plein respect des droits fondamentaux, et demeure interprété essentiellement à l’aune de l’objectif de mobilité[46], d’autres auteurs plaident au contraire pour un recentrage du statut de citoyen sur la libre circulation[47]. La présente affaire constitue une illustration supplémentaire d’une protection totalement déconnectée de la mobilité, offerte par le seul statut de citoyen. Surtout, elle démontre l’émergence d’un risque plutôt inattendu, celui que les droits fondamentaux et les droits liés à la citoyenneté d’un même individu puissent être conçus comme en opposition, les premiers venant contrer les seconds.

Si la Cour avait accepté de subordonner à l’intérêt supérieur de l’enfant l’ouverture de ses droits en tant que citoyen, l’on imagine aisément les arguments sur lesquels pourrait se fonder une juridiction nationale pour dénier le droit de séjour dérivé au profit du parent. Ainsi, le fait que l’enfant vive depuis sa naissance en Thaïlande, qu’il ait été élevé par sa grand-mère, avec laquelle les liens risqueraient en conséquence d’être rompus, ou encore l’absence de connaissance de la langue néerlandaise, auraient facilement pu lui être opposés[48]. Pour justifier l’impossibilité pour le père de l’enfant d’en assumer la charge, la mère invoquait en effet le fait que l’enfant, ne parlant ni la langue anglaise ni la langue néerlandaise, serait dans l’incapacité de communiquer avec son père. Cet argument risquait d’être détourné pour considérer qu’il ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant de s’établir aux Pays-Bas. Pour l’avocat général, le déplacement de l’enfant devrait de surcroît s’inscrire dans un projet de vie « crédible »[49], et le juge national serait tenu d’« évaluer l’éventuelle incidence négative que pourrait avoir le déplacement de cet enfant sur son bien-être physique et moral ainsi que sur ses rapports affectifs, familiaux et sociaux ou bien encore sur sa situation matérielle »[50].

La Cour met, à juste titre, un frein à cette tentative. L’intérêt supérieur de l’enfant doit éclairer l’appréciation de l’existence d’un lien de dépendance avec son parent ressortissant de pays tiers, et non pas être instrumentalisé pour déterminer l’État de résidence le plus approprié pour l’enfant. Il est évident que si l’enfant citoyen ne pouvait exercer ses droits du fait de l’appréciation, nécessairement subjective, par un juge de ce qui serait le meilleur État de résidence pour lui, son statut de citoyen serait vidé de sa substance. Par extension, le droit à la liberté de circulation et de séjour pourrait également être remis en cause si l’État d’accueil pouvait refuser d’octroyer un droit de séjour dérivé fondé sur l’article 21 TFUE au motif que l’établissement dans un autre État membre ne serait pas dans l’intérêt de l’enfant. Enfin, pour ce qui est de la situation matérielle de l’enfant, il est loisible de rappeler que la protection offerte par l’article 20 TFUE n’est pas soumise à l’exigence de ressources suffisantes prévue par la directive 2004/38/CE[51]. En effet, la privation de la possibilité de se maintenir ou de se rendre sur le territoire de l’Union ne comporte pas les mêmes enjeux que la possibilité de s’installer dans un autre État membre, de sorte qu’assimiler ces situations « reviendrait à nier le caractère quasi fédéral que peut revêtir le territoire européen »[52].

Si l’enfant mineur doit être pleinement en mesure d’exercer les droits qu’il tire de son statut de citoyen, force est de reconnaître que la décision de les activer ou non relève du seul titulaire de l’autorité parentale. À cet égard, la Cour ne fait aucun cas de la distinction, suggérée par son avocat général, entre démarche « solitaire » du parent souhaitant obtenir un droit de séjour dans un État membre, et démarche « conjointe » du parent et de l’enfant, qui impliquerait que celui-ci souhaite se rendre dans son État de nationalité[53]. Une telle distinction, nécessitant pour les autorités de sonder la volonté d’un enfant avant d’octroyer un droit de séjour, aurait été difficilement praticable. De surcroît, puisque les raisons ayant motivé l’exercice de sa libre circulation par un citoyen sont en principe indifférentes[54], a fortiori devrait-il en aller ainsi des raisons ayant conduit le citoyen à se rendre dans son État de nationalité, dans lequel il dispose, rappelons-le, d’un droit de séjour inconditionnel.

B. Les précisions sur l’appréciation du lien de dépendance


Si la jurisprudence antérieure avait déjà bien balisé la question de l’appréciation de la relation de dépendance entre le citoyen et le ressortissant de pays tiers membre de sa famille[55], la situation d’espèce était assurément spécifique. Pour la première fois en effet, la Cour doit se prononcer sur une hypothèse où le citoyen n’a jamais vécu dans l’Union, et n’a cohabité avec son parent que durant une période limitée. Cela justifie que la Cour livre à la juridiction de renvoi des indications relativement fournies permettant d’apprécier concrètement l’existence du lien de dépendance.

Il est nécessaire d’examiner si le ressortissant de pays tiers assure « la garde effective de cet enfant » ainsi que « la charge légale, financière ou affective dudit enfant »[56]. L’âge de l’enfant, « son développement physique et émotionnel », ou encore « le degré de sa relation affective tant avec le parent citoyen de l’Union qu’avec le parent ressortissant d’un pays tiers ainsi que le risque que la séparation avec ce dernier engendrerait pour l’équilibre de cet enfant »[57] constituent également des éléments pertinents. La Cour rappelle également sa jurisprudence Dereci[58], en vertu de laquelle la seule volonté de maintenir l’unité familiale sur le territoire de l’Union ne suffit pas à considérer que le citoyen serait contraint de quitter le territoire de l’Union, ou, par analogie, empêché de s’y rendre, si un droit de séjour n’était pas accordé à son parent[59]. Le lien familial est donc insuffisant[60].

La Cour s’attelle ensuite à déterminer le moment où doit s’apprécier le lien de dépendance, question centrale dans une affaire dans laquelle les circonstances passées plaidaient largement en défaveur de la reconnaissance d’un tel lien. La dépendance doit être appréciée au moment ou les autorités compétentes sont appelées à statuer, puisqu’il s’agit de déterminer « les conséquences prévisibles de leur décision sur la jouissance effective, par l’enfant concerné, de l’essentiel des droits qu’il tire du statut que lui confère l’article 20 TFUE »[61]. Les juridictions devront quant à elle prendre en considération les éléments intervenus postérieurement à la décision[62]. Cette position pourrait conduire à estimer que dès lors que la mère s’occupe actuellement de l’enfant, les circonstances antérieures pourraient être écartées, ce que confirme la Cour en jugeant que l’absence d’entretien quotidien de l’enfant durant une longue période ne saurait être déterminante[63]. À l’inverse, le fait de prodiguer les soins quotidiens à un enfant n’établit pas à lui seul la relation de dépendance, qui s’apprécie nécessairement in concreto[64]. Dans la même logique, la question de savoir si le père de l’enfant, ressortissant néerlandais vivant sur le territoire de cet État membre, serait prêt à assumer la charge de l’enfant, est pertinente mais non déterminante[65].

En définitive, le lien de dépendance n’est pas exclu en l’espèce. Toutefois, il est clair que le statut de citoyen de l’enfant vivant dans un pays tiers n’a guère d’utilité concrète si la personne avec laquelle il entretient une relation de dépendance n’est pas déterminée à l’emmener dans l’Union européenne. Si la mère parvient à regagner l’Union européenne sans son enfant, ou au contraire ne se voit pas accorder de droit de séjour dans un État membre, il est très probable que l’enfant sera dans l’incapacité, durant sa minorité, d’exercer ses droits de citoyen. La Cour de justice a toutefois fait le maximum pour assurer l’effectivité du statut de citoyen, dans une situation où il se heurtait pourtant aux deux obstacles majeurs que sont l’absence du territoire de l’Union et la minorité.

Enfin, même dans l’hypothèse où un enfant citoyen ne pourrait se rendre dans l’Union européenne, il conservera néanmoins ses droits à l’état latent, et pourra les exercer dès lors qu’il sera en mesure de le faire par lui-même. Cependant, un citoyen résidant dans un État tiers pourrait se heurter au risque de perte de plein droit de sa nationalité, et, partant, de son statut de citoyen, au motif d’un défaut de lien effectif avec son État d’origine. Les arrêts Tjebbes et Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise)[66] ont certes encadré cette possibilité, en faisant obligation aux autorités nationales d’examiner la proportionnalité in concreto des conséquences d’une telle perte. De surcroît, les législations nationales auxquelles était confrontée la Cour dans ces affaires n’étaient pas applicables aux citoyens dont la perte de nationalité entraînerait l’apatridie, de sorte qu’un enfant n’ayant qu’une nationalité, comme c’était le cas dans l’arrêt commenté, ne saurait être concerné. Le risque de perte du statut de citoyen demeure néanmoins une réalité pour nombre de citoyens qui se trouveraient dans l’incapacité de séjourner dans un État membre durant leur minorité. La préservation de la possibilité effective pour l’enfant citoyen de se rendre sur le territoire de l’Union, afin d’y nouer des liens avec son État de nationalité, n’en apparaît que plus nécessaire.

Auteurs

Julie Rondu, Maître de conférences en droit public à l’Université de Strasbourg, Centre d’études internationales et européennes EA 7307.

Pour citer cet article

Julie Rondu, « Le statut de citoyen européen a-t-il une valeur pour l’enfant vivant hors du territoire de l’Union ? Observations sur l’arrêt CJUE, 22 juin 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid (Mère thaïlandaise d’un enfant mineur néerlandais), C-459/20, ECLI : EU : C : 2023 :499 », Europe des Droits & Libertés / Europe of Rights & Liberties, 2023/2, n° 8, pp. 552-564.

CJUE, GC, 8 mars 2011, Ruiz Zambrano, C-34/09, ECLI:EU:C:2011:124.

CJUE, 5 mai 2011, McCarthy, C-434/09, ECLI:EU:C:2011:277 ; CJUE, GC, 15 novembre 2011, Dereci, C-256/11, ECLI:EU:C:2011:734 ; CJUE, 27 février 2020, Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, C-836/18, ECLI:EU:C:2020:119 ; CJUE, GC, 13 septembre 2016, Rendón Marín, C-165/14, ECLI:EU:C:2016:675 ; CJUE, GC, 13 septembre 2016, CS, C-304/14, ECLI:EU:C:2016:674 ; CJUE, 8 mai 2018, K.A. e.a. (Regroupement familial en Belgique), C‑82/16, EU:C:2018:308 ; CJUE, 5 mai 2022, Subdelegación del Gobierno en Toledo, C-451/19 et C-532/19, ECLI:EU:C:2022:354.

Jusqu’alors, cette jurisprudence n’a en effet trouvé à s’appliquer qu’à des citoyens mineurs, bien que la Cour n’exclue pas par principe qu’elle puisse concerner une personne majeure, « dans des cas exceptionnels, dans lesquels, eu égard à l’ensemble des circonstances pertinentes, la personne concernée ne pourrait, d’aucune manière, être séparée du membre de sa famille dont elle dépend ». La Cour justifie ce cantonnement à des situations exceptionnelles par le fait qu’« à la différence des mineurs et, à plus forte raison si ceux-ci sont des enfants en bas âge, un adulte est, en principe, en mesure de mener une existence indépendante des membres de sa famille » : arrêt Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, préc., point 56.

Article 18 TFUE.

À titre d’exemple, il en va ainsi de l’initiative citoyenne européenne, consacrée par le traité de Lisbonne à l’article 11, paragraphe 4, TUE.

La France permet toutefois cette possibilité pour ses ressortissants : Loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, JORF du 27 mai 2011, p. 1.

En vertu de l’article 23 TFUE, « Tout citoyen de l’Union bénéficie, sur le territoire d’un pays tiers où l’État membre dont il est ressortissant n’est pas représenté, de la protection de la part des autorités diplomatiques et consulaires de tout État membre, dans les mêmes conditions que les nationaux de cet État. Les États membres prennent les dispositions nécessaires et engagent les négociations internationales requises en vue d’assurer cette protection ».

V. E. Castellarin, « La dimension externe, angle mort de la citoyenneté de l’Union ? », in A. Bouveresse, A. Iliopoulou-Penot, J. Rondu (dir.), La citoyenneté européenne : quelle valeur ajoutée ?, à paraître chez Bruylant.

Conclusions de l’avocate générale Sharpston dans les affaires O. et S. et G., C-456/12 et C-547/12, ECLI:EU:C:2013:837, point 89.

  1. not. arrêt Dereci, préc., point 67 : « Ce critère revêt donc un caractère très particulier en ce qu’il vise des situations dans lesquelles, en dépit du fait que le droit secondaire relatif au droit de séjour des ressortissants d’États tiers n’est pas applicable, un droit de séjour ne saurait, exceptionnellement, être refusé à un ressortissant d’un État tiers, membre de la famille d’un ressortissant d’un État membre, sous peine de méconnaître l’effet utile de la citoyenneté de l’Union dont jouit ce dernier ressortissant ». Italiques ajoutés.

V. not. CJUE, 14 novembre 2017, Lounes, C‑165/16, EU:C:2017:862, point 37 ; et arrêt Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, préc., point 60.

Article 8, paragraphe 2, du Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen), JOUE L 77 du 23 mars 2016, p. 1, modifié par le règlement (UE) 2017/458 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2017 modifiant le règlement (UE) 2016/399 en ce qui concerne le renforcement des vérifications dans les bases de données pertinentes aux frontières extérieures, JOUE L 74 du 18 mars 2017, p. 1. En effet, la vérification minimale « constitue la règle pour les personnes jouissant du droit à la libre circulation au titre du droit de l’Union ».

Arrêts Rendón Marín, préc., et CS, préc.

V. égal. CJUE, 27 avril 2023, M.D. (Interdiction d’entrée en Hongrie), C‑528/21, EU:C:2023:341, point 60.

CJUE, GC, 12 mars 2019, Tjebbes e. a., C-221/17, ECLI:EU:C:2019:189 ; V. Julie Rondu, « La perte de plein droit de la nationalité devant la Cour de Justice: les droits fondamentaux, accessoires du contrôle de proportionnalité ? (obs. sous l’arrêt CJUE, GC, 12 mars 2019, Tjebbes e. a., C-221/17», Europe des droits & libertés/Europe of Rights & Liberties, mars 2020/1, pp. 198-208.

Selon les termes de la Cour, « la définition des conditions d’acquisition et de perte de la nationalité relève, conformément au droit international, de la compétence de chaque État membre » : v. not. arrêt Tjebbes, point 30.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 25.

Ibid.

Arrêt M.D. (Interdiction d’entrée en Hongrie), préc., point 60.

Ibid.

Ibid.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 31.

Ibid., point 34.

Ibid., point 35.

V. Réveillère, « La protection statutaire du citoyen : demeurer sur le territoire de l’Union (dans son État de nationalité) », RTDEur., n°3-2020, pp. 721 et s., p. 725.

Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 52.

Ibid., point 71.

Parmi les affaires emblématiques dans lesquelles était invoqué un abus de droit, qui n’est pas retenu par la Cour, il est loisible de citer l’arrêt CJCE, ass. plén., 19 octobre 2004, Zhu et Chen, C-200/02, ECLI:EU:C:2004:639, ainsi que l’affaire Ruiz Zambrano, préc.

  1. Simon et A. Rigaux, « La technique de la consécration d’un nouveau principe général du droit communautaire : l’exemple de l’abus de droit », in M. Blanquet (dir.), Mélanges en hommage à Guy Isaac : 50 ans de droit communautaire, t. 2, PUSST, 2004, pp. 557-585, p. 562.

Bien que l’arrêt CJUE, GC, 11 novembre 2014, Dano, C-333/13, ECLI:EU:C:2014:2358 constitue une rupture à cet égard, puisqu’il examine les motivations prétendues d’une citoyenne ayant exercé sa liberté de circulation, il ne recourt pas à la notion d’abus de droit.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 36.

Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 32.

Ibid., point 57.

V. not. CJCE, 2 octobre 2003, Garcia Avello, C-148/02, ECLI:EU:C:2003:539 ; CJCE, GC, 14 octobre 2008, Grunkin et Paul, C-353/06, ECLI:EU:C:2008:559.

Cela a été clairement établi par la Cour dans l’arrêt Zhu et Chen, préc., point 20 : « un enfant en bas âge peut se prévaloir des droits de libre circulation et de séjour garantis par le droit communautaire. L’aptitude d’un ressortissant d’un État membre à être titulaire des droits garantis par le traité et le droit dérivé en matière de libre circulation des personnes ne saurait être subordonnée à la condition que l’intéressé ait atteint l’âge requis pour avoir la capacité juridique d’exercer lui-même lesdits droits ».

Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, spéc. points 38 et 43.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 39.

Ibid., point 40.

V. not. l’arrêt Lounes, préc., point 37, et l’arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 41.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 43, ainsi que les arrêts Chavez-Vilchez e.a., préc., point 71, et Subdelegación del Gobierno en Toledo, préc., point 53.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 43.

Ibid, point 44.

V. not., à propos de l’arrêt CJUE, GC, 2 mars 2010, Rottmann, C-135/08, ECLI:EU:C:2010:104, D. Kochenov, « Case C-135/08, Janko Rottmann », CMLR, 2010, pp. 1831-1846, spec. p. 1842.

Ainsi, l’arrêt McCarthy, préc., ne faisait aucune mention des droits fondamentaux s’agissant de l’éloignement vers un pays tiers du membre de la famille d’un citoyen de l’Union.

Parmi de multiples exemples, voy. not. CJUE, GC, 5 juin 2018, Coman e.a., C‑673/16, EU:C:2018:385 ; CJUE, GC, 14 décembre 2021, V.M.A. c. Stolichna obshtina, rayon « Pancharevo », C-490/20, ECLI:EU:C:2021:1008.

  1. Yong, “Free movement or fundamental rights? EU citizenship as a legal gateway to fundamental rights protection”, in D. Kostakopoulou et D. Thym, Research Handbook on European Union Citizenship Law and Policy, Navigating Challenges and Crises, Edward Elgar Publishing, 2022, pp. 149-164: “EU citizenship status should be a legal gateway to fundamental rights protection, rather than a gateway to free movement rights”.

F. De Witte, “Freedom of Movement Needs to Be Defended as the Core of EU Citizenship”, in R. Bauböck (ed.) Debating European Citizenship, IMISCOE Research Series, Springer, Cham, pp 93-99.

L’avocat général ne manquait d’ailleurs pas de soulever ces arguments : conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaireStaatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 50.

Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 46.

Ibid., point 49.

Arrêt Subdelegación del Gobierno en Ciudad Real, préc., point 49.

V. Réveillère, « La protection statutaire du citoyen : demeurer sur le territoire de l’Union (dans son État de nationalité) », préc., p. 727.

Conclusions de l’avocat général Richard de la Tour dans l’affaire Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 4.

À titre d’illustration, v. CJCE, 23 mars 1982, Levin, 53/81, ECLI:EU:C:1982:105, point 22 : « les intentions qui ont pu inciter le travailleur à chercher du travail dans l’État membre concerné sont indifférentes ». A contrario, toutefois, la Cour estime dans l’arrêt Dano que le citoyen qui aurait exercé sa liberté dans le seul but de bénéficier de prestations sociales dans l’État d’accueil sans disposer des ressources suffisantes peut se voir refuser lesdites prestations : arrêt Dano, préc., point 78. Les intentions du citoyen sont donc déterminantes, mais il ne s’agissait pas en l’espèce d’un refus de séjour.

Voy. not. les arrêts précités Chavez-Vilchez ou Subdelegación del Gobierno en Toledo.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 49.

Ibid.

Arrêt Dereci, préc., point 68.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 50.

Ibid., point 51.

Ibid., point 52.

La Cour cite par analogie l’arrêt du 17 avril 2018, B. et Vomero, C 316/16 et C 424/16, EU:C:2018:256, point 94, qui concernait l’éloignement d’un citoyen pour des motifs d’ordre public.

Arrêt Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid, point 53.

Ibid., point 55.

Ibid., points 56-57.

CJUE, GC, 5 septembre 2023, Udlændinge- og Integrationsministeriet (Perte de la nationalité danoise), C-689/21, ECLI:EU:C:2023:626.

ABSTRACT
In this case, the European Court of Justice accepts the extension of the protection afforded by the judgement Ruiz Zambrano on the basis of Article 20 TFEU, for a child always having resided in a third country. The Court ensures the effectiveness of the Union citizen status, despite the minority and the absence from the territory of the European Union. Above all, the Court refuses to oppose fundamental rights to Union citizenship rights.

RÉSUMÉ
Dans cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne accepte l’extension de la protection offerte par la jurisprudence Ruiz Zambrano sur le fondement de l’article 20 TFUE à un enfant citoyen de l’Union qui a toujours résidé dans un pays tiers. La Cour assure ainsi pleinement l’effectivité du statut de citoyen de l’Union, malgré les obstacles de fait que représentent la minorité et l’absence du territoire de l’Union. Surtout, elle refuse d’opposer les droits fondamentaux et les droits du citoyen de l’Union.

  • Partie I – L’effectivité du statut de citoyen de l’Union malgré l’absence du territoire de l’Union
    • A. L’impossibilité de fait de se rendre sur le territoire de l’Union, une atteinte au statut de citoyen
    • B. L’exigence d’un effet réel sur l’exercice des droits du citoyen
  • Partie II – L’effectivité du statut de citoyen de l’Union malgré la minorité
    • A. Le refus de la Cour d’opposer droits fondamentaux et droits du citoyen de l’Union
    • B. Les précisions sur l’appréciation du lien de dépendance