La délimitation de l’effet spatial des règles de droit par les droits fondamentaux

Pailler Ludovic

L’articulation entre le droit international privé et les droits fondamentaux ou droits de l’homme[1] a déjà été abordée à de nombreuses reprises, à tel point qu’il serait difficile d’établir une bibliographie exhaustive des recherches qui y sont consacrées[2]. Pour autant, elles ont en commun de concentrer les analyses sur les méthodes du droit international privé, celles qui permettent de déterminer le juge internationalement compétent, la loi applicable et l’effet à donner aux jugements étrangers. Nous voudrions aborder ici un mécanisme qui, distinct des trois précités, relève du droit international privé parce qu’il contribue à résoudre l’internationalité des relations privées. Plus précisément, il intéresse la délimitation de l’effet spatial des règles de droit appartenant à l’ordre juridique désigné compétent par la règle de conflit de lois.

La réflexion prend naissance à la lecture de l’arrêt Google LLC rendu par la Grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne[3]. Elle y affleure, ce qui explique, notamment, que l’objet du présent soit largement absent des nombreux commentaires de la décision.

Pour rappel, le litige au principal était né de la sanction adoptée par une délibération de la CNIL contre la société Google[4] après que cette société, préalablement mise en demeure, a refusé de procéder à un déréférencement sur toutes les extensions de nom du domaine de son moteur de recherche. Le Conseil d’État fut saisi en conséquence d’un recours en annulation de la sanction qui interrogeait la portée géographique du droit au déréférencement[5]. À la Cour de justice fut transmis en suivant un renvoi préjudiciel visant à déterminer si ce droit implique une décorrélation entre le nom de la personne concernée et les résultats affichés sur l’ensemble des versions du moteur de recherche, sur les seules extensions de nom de domaine de l’ensemble des États membres ou bien sur les extensions de nom de domaine d’un ou plusieurs États membres déterminés.

Dans sa réponse, la Grande chambre distingue nettement, d’une part, l’applicabilité du droit de l’Union européenne de la protection des données et, d’autre part, la « portée territoriale »[6] du déréférencement. La première fait l’objet d’un rappel liminaire[7] fondé sur l’article 4.1, sous a), de la directive 95/46[8] tel qu’interprété par la Cour de justice dans l’arrêt Google Spain[9] et sur l’article 3.1 du règlement général sur la protection des données (ci-après, « RGPD »)[10]. Ainsi la Cour conclut-elle que la situation en cause « relève du champ d’application territorial de la directive 95/46 et du règlement 2016/679 » avant de traiter de la détermination de la « portée territoriale » du déréférencement[11]. Les motifs développés sur ce dernier point sont uniquement fondés sur les dispositions matérielles du droit de la protection des données de l’Union. Et la Cour d’indiquer que le droit dérivé peut produire un effet spatial différencié. Les conditions d’application du droit au déréférencement sont remplies mais la décorrélation peut n’être permise que pour une partie seulement des sites du moteur de recherche.

La distinction entre applicabilité et portée territoriale rappelle inévitablement la structure de la règle de droit décrite par Motulsky. Dans sa fameuse thèse, l’auteur distingue la « présupposition » de « l’effet juridique »[12]. La présupposition correspond à l’identification d’une « situation-type »[13]. Elle énonce les « conditions d’applications de la règle abstraitement définies »[14], lesquelles peuvent comporter une dimension spatiale[15]. Lorsque ces conditions sont remplies, comme au cas d’espèce précité, la loi y attache un ou plusieurs effets juridiques. Elle tire des conséquences juridiques de la situation-type. Elle définit ce qui doit être[16] par sa lettre que complète au besoin son interprétation[17]. Et, a priori, rien ne fait obstacle à ce que ce second élément de la règle de droit soit également pourvu d’une dimension spatiale.

Dans l’arrêt Google LLC, la délimitation de l’effet spatial du droit au déréférencement ressort de l’interprétation des dispositions matérielles du droit de l’Union par la Cour de justice. Les fondements essentiels de la reconstitution de la dimension spatiale de l’effet juridique tiennent à la diversité des droits nationaux et à la relativité du droit fondamental à la protection des données[18]. C’est la mise en balance de ce droit tiré de l’article 8 de la charte des droits fondamentaux avec la liberté d’expression qui justifie de limiter l’effet spatial du droit au déréférencement[19]. En principe, ce dernier produit ses effets à l’échelle de l’Union européenne, mais il peut avoir un effet plus réduit dès lors que « le résultat de la mise en balance à effectuer […] n’est pas forcément le même pour tous les États membres »[20].

L’intérêt de cet arrêt Google LLC tient également aux normes appelées à délimiter l’effet spatial d’une norme du droit de l’Union européenne. En l’occurrence, la Cour admet que le juge national puisse y procéder « à l’aune des standards nationaux de protection des droits fondamentaux »[21]. Certes, ce motif est étroitement lié à la logique d’intrication des ordres juridiques des États membres avec celui de l’Union, et plus particulièrement à la mise en œuvre du droit de l’Union « dans une situation dans laquelle l’action des États membres n’est pas entièrement déterminée par [celui-ci] »[22]. En d’autres termes, l’effet spatial d’une même norme peut être co-déterminé. En principe, par les droits fondamentaux relevant de l’ordre juridique de l’Union. Mais encore par la mise en balance des droits fondamentaux de source nationale, européenne ou internationale applicables dans l’ordre juridique désigné compétent.

Plus largement, l’arrêt Google LLC offre des perspectives nouvelles et stimulantes quant au rôle des droits fondamentaux dans la gestion des aspects internationaux des situations privées. La voie ouverte est-elle circonscrite à l’autolimitation de l’effet spatial, ce mécanisme englobant la délimitation induite par une règle formellement distincte dès lors qu’elle appartient à l’ordre juridique désigné compétent ? Ou bien est-il envisageable d’étendre le mécanisme aux règles de droit étrangères, en d’autres termes de délimiter l’effet spatial de ces dernières au moyen des droits fondamentaux du for ? L’application des droits fondamentaux du for aux normes étrangères, y compris à celle d’États tiers à l’Union ou non partie à la Convention EDH, est désormais acquise[23]. Toutefois, notre interrogation purement prospective porte de nouvelles difficultés tenant à l’immixtion des juges d’un État dans la structure même de la règle de droit d’un autre État.

Loin d’être anodine à cet égard[24], la délimitation de l’effet spatial des règles de droit privé[25] est encore d’un intérêt particulier à considérer l’application des règles de droit à un espace en partie détaché des territoires et de leurs frontières. Quoi qu’internet ne remette pas nécessairement en cause les méthodes du droit international privé[26], elles demeurent limitées car fondées sur le cloisonnement des ordres juridiques et sur la localisation territoriale du rapport de droit sans prise en considération de la teneur des droits en concours et de leurs effets au cas concret. Ainsi ces méthodes ne sont-elles pas en mesure de répondre aux enjeux de l’internet. La recherche d’une solution unique, qui caractérise le droit international privé, par le départage de lois au contenu variable entrainerait une modification unilatérale d’un espace dématérialisé et, en apparence, global car dépourvu des frontières juridiques nationales induite par la notion de territoire[27] et virtuellement accessible depuis tout point du globe. Par ailleurs, si les décisions d’un juge national ne produisent en principe d’effet substantiel que sur le territoire de ce dernier, l’exécution de la décision visant à modifier un contenu sur internet pourrait avoir un effet global sans qu’aucune procédure visant à faire reconnaître ses effets dans un autre État ne soit nécessaire. La Cour de justice en a bien conscience. Dans un arrêt relatif à la compétence internationale, elle relevait « la nature ubiquitaire des données et des contenus mis en ligne sur un site Internet et […] que la portée de leur diffusion est en principe universelle, [de sorte qu’] une demande visant à la rectification des premières et à la suppression des seconds est une et indivisible »[28].

La délimitation par les droits fondamentaux pourrait être couplée aux moyens techniques de géolocalisation pour contribuer à réintroduire le dessin juridique des frontières étatiques afin d’éviter qu’un juge puisse, de façon isolée, décider du contenu d’un espace commun à l’Humanité. Venant pallier l’absence d’une véritable coopération internationale[29] pourtant indispensable[30], elle pourrait éviter que les valeurs d’un juge ne s’imposent à tout internaute avec pour point de départ le relativisme dans l’espace des droits fondamentaux et la défense de la liberté d’entreprendre et de la liberté d’expression, qui sont probablement celles susceptibles d’être le plus fréquemment affectées. La délimitation envisagée aurait notamment vocation à s’appliquer à l’exercice des droits subjectifs sur la toile, qu’ils soient conférés par le RGPD[31] ou d’autres dispositions[32], afin de pondérer l’empire du droit désigné applicable, notamment le champ d’application extensif du RGPD[33]. Par exemple, limiter l’effet spatial de la demande de déréférencement d’un ressortissant russe domicilié en Russie concerné par un traitement de donnée réalisée par le fournisseur d’un service de moteur de recherche établi sur le territoire d’un État membre. Le RGPD y est applicable[34], mais la délimitation de l’effet spatial pourrait justifier de n’accéder à sa demande qu’à l’égard des extensions de nom de domaine russe dudit service. Les droits fondamentaux peuvent ainsi compenser les inadaptations des méthodes du droit international privé à l’espace numérique. Plus particulièrement, la délimitation par les droits fondamentaux pourrait moduler l’application quasi-globale de la loi désignée applicable laquelle est inévitablement induite par les caractéristiques de l’espace numérique auquel elle s’applique.

Aussi, à l’analyse de la délimitation de l’effet spatial d’application des règles de droit par les droits fondamentaux de l’ordre juridique désigné compétent (Partie I) succèdera celle, résolument prospective, de la délimitation de l’effet spatial de la loi étrangère par les droits fondamentaux du for (Partie II).

Partie I – La délimitation lege causae

Cette première hypothèse n’est pas celle qui, en apparence, est la plus ardue. Le juge saisi doit appliquer le droit désigné compétent comme le ferait le juge de l’État dont il émane. Toutefois, s’agissant de droits fondamentaux, il ne faut pas exclure que leur source ne soit pas nationale mais européenne ou internationale et qu’elle lie tout autant l’ordre juridique désigné compétent que celui du juge saisi. Dès lors, l’examen de la délimitation de l’effet spatial des règles de droit désignées applicables par des sources de droits fondamentaux propres à la lex causae (A) doit être distingué de l’application plus complexe des sources de droits fondamentaux communes au for (B).

A. Par des sources propres à la lex causae

Lorsque la règle de conflit de lois désigne compétent un ordre juridique, c’est le droit d’un État dans son intégralité qui est visé. Plus précisément, c’est « l’ensemble des règles selon lesquelles fonctionne la société »[35] qui constitue la source de la décision à prendre de sorte que « tout élément de cet ordre juridique qui a vocation par nature à contribuer à résoudre la question posée au juge doit être pris en compte »[36]. En d’autres termes, le juge saisi doit appliquer au cas d’espèce le point de vue abstrait de l’ordre juridique désigné compétent en tenant compte, le cas échéant, des règles étrangères comme des décisions étrangères. Considérant la hiérarchie entre droits fondamentaux et règles de droit concernées, la délimitation lege causae requiert sa mise en œuvre. Elle pourrait bien être particulièrement difficile à réaliser lorsque le juge étranger n’y a pas déjà procédé.

1. En effet, dans la situation où les droits fondamentaux étrangers ont été appliqués pour délimiter l’effet spatial de la règle étrangère applicable, le juge du for devrait simplement se référer à lex causae telle qu’elle a été hiérarchisée[37]. Cette hypothèse trouve une illustration à partir de l’arrêt Google LLC.

Ce dernier fournit, tout d’abord, une règle de principe concernant l’effet européen du droit au déréférencement. Elle peut être appliquée par le juge d’un État tiers dont le droit international privé aurait désigné applicable le droit d’un État membre sans difficulté notable.

Mais la Cour de justice renvoie, ensuite, à une mise en balance casuistique et exceptionnelle aux fins d’étendre ou de restreindre cet effet spatial de principe. Cette configuration n’est pas inconnue puisqu’elle est comparable à celle dans laquelle le juge doit appliquer une norme étrangère qui lui confère une marge d’appréciation. Il doit simplement œuvrer comme le ferait son équivalent étranger et donc mettre en œuvre les droits fondamentaux en suivant les prescriptions de la lex causae. Le juge d’un État tiers pourrait appliquer, d’une part les standards nationaux d’un État membre en respectant la méthodologie qui y préside ainsi que les éventuelles indications qui auraient été délivrées par la jurisprudence étrangère. Et, d’autre part, il devrait vérifier que n’est pas compromis « le niveau de protection prévu par la charte, telle qu’interprétée par la Cour, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’union »[38]. Cela ne pourra rendre la tâche du juge que plus complexe au regard des difficultés à déterminer la teneur du droit étranger applicable et à appréhender l’intrication des ordres juridiques européens et nationaux, voire impossible si une saisine de la Cour de justice s’avère nécessaire[39].

Reste une question, celle de la portée matérielle à donner à la hiérarchisation qui a été opérée dans l’ordre juridique étranger. Pour prendre l’exemple de l’arrêt Google LLC, le dit pour droit en limite littéralement la portée à l’exercice du droit au déréférencement quand le raisonnement paraît largement transposable aux autres droits de la personne concernée, notamment le droit à l’effacement[40], susceptibles de mettre en cause la liberté d’expression. L’analogie doit-elle être considérée comme l’application des règles d’interprétation étrangères à un droit d’ores et déjà hiérarchisé, auquel cas le juge saisi pourra lui-même y procéder ? Ou bien comme une hiérarchisation qui reste à mettre en œuvre ?

2. Lorsque la délimitation de l’effet spatial de la règle applicable n’a pas encore été esquissée par l’ordre juridique désigné compétent, le point déterminant tient à la qualification de la délimitation de l’effet spatial des normes par les droits fondamentaux. Est-ce une « question d’interprétation »[41] qui pourrait être réalisée par le juge saisi ?

À cet égard, l’arrêt Google LLC présente une configuration particulière. La règle en cause, comme d’ailleurs l’ensemble du RGPD, concrétise un droit fondamental, celui à la protection des données[42] dont la relativité justifie un effet spatial limité. Autrement dit, ce dernier découle d’une interprétation du droit de l’Union qui peut être opérée par le juge d’un État tiers, sauf à ce que soit nécessaire l’intervention d’un juge sans équivalence fonctionnelle avec le juge saisi[43].

La question est plus ardue lorsque la norme en cause ne concrétise pas le droit fondamental qui pourrait présider à la délimitation de l’effet spatial. Par exemple, la liberté d’expression pourrait prévaloir sur l’intérêt objectif pour une partie seulement de l’espace numérique. Dans cette situation, le caractère matériel de l’opération de délimitation ne suffit plus à qualifier l’opération d’interprétation[44] dès lors qu’elle procéderait uniquement de la hiérarchie des normes étrangères. Le dilemme qui s’impose alors au juge saisi[45] est patent : il ne doit pas déterminer l’effet spatial du droit étranger au risque de méconnaître la souveraineté étrangère mais peut-il faire produire à une règle étrangère un effet spatial qu’elle n’aurait pas d’après son propre juge ? Lorsque la délimitation spatiale est subordonnée à l’intervention d’une juridiction sans équivalence fonctionnelle avec le juge saisi (juge constitutionnel, juge administratif, juge supranational), ce dernier est alors dans l’impossibilité de se prononcer sans méconnaître « la compétence exclusive étrangère, voir le pouvoir juridictionnel étranger »[46]. Ainsi le juge d’un État tiers ne pourrait-il borner lui-même l’effet spatial d’une norme issue du droit de l’Union dès lors que l’ordre juridique désigné compétent impose de recourir au renvoi préjudiciel à la Cour de justice[47]. En revanche, pour les cas dans lesquels le juge judiciaire d’un État tiers pourrait statuer lui-même sur la délimitation spatiale des normes de son ordre juridique par les droits fondamentaux, l’équivalence fonctionnelle avec le juge saisi porte le dilemme précédemment décrit à son paroxysme. Certes, il ne s’agit pas de censurer la norme étrangère. Mais le juge saisi est appelé à moduler l’effet juridique d’une règle de droit étrangère, ce qui ressort de l’exercice de sa compétence par le législateur étranger. Les règles de droit international public y font manifestement obstacle, sauf à réserver l’hypothèse dans laquelle la délimitation à opérer serait manifeste[48]. Tel pourrait être le cas lorsqu’il existe déjà un point de vue abstrait de l’ordre juridique désigné compétent sur une situation comparable, comme du droit au déréférencement au droit à l’oubli, le premier étant une déclinaison du second.

Contre-intuitivement, ces complications dans l’application des règles de droit étranger dont l’effet spatial est encore incertain quant à la délimitation de l’effet spatial de ses règles de droit ne sont pas nécessairement aplanies lorsque les États ont en partage des sources européennes ou internationales de droits fondamentaux.

B. Par des sources en partage avec la lex fori

La convention européenne des droits de l’homme, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou encore la convention internationale sur les droits de l’enfant sont autant d’exemples de sources potentiellement communes à l’ordre juridique désigné compétent et à celui du for. Cette communauté de droits fondamentaux simplifie ou complexifie la délimitation lege causae suivant qu’il existe un organe juridictionnel à même d’en assurer une interprétation uniforme et dont l’autorité s’étend aux deux ordres juridiques concernés.

1. Lorsqu’une interprétation uniforme du texte peut être délivrée par une juridiction, la solution paraît simple. Les deux ordres juridiques concernés étant liés par cette interprétation, il n’est nul besoin de s’interroger sur la prévalence du point de vue de l’un d’eux.

Le seul organe à même de garantir effectivement une interprétation uniforme du droit dans différents ordres juridiques nationaux est la Cour de justice de l’Union. En effet, le renvoi préjudiciel en interprétation lui permet de donner un sens au droit primaire et dérivé qui s’impose à l’ensemble des États membres[49]. Cela suppose, toutefois, que l’action d’un État membre soit entièrement déterminée par le droit de l’Union. L’interprétation délivrée par la Cour de justice s’impose alors à l’ordre juridique désigné compétent comme à celui dont le juge est saisi. Mais l’arrêt Google LLC rappelle l’existence de situations dans lesquelles le droit de l’Union ne détermine pas entièrement l’action des États membres. S’appliquent alors les standards nationaux de protection des droits fondamentaux – situation déjà envisagée de la délimitation lege causae de l’effet spatial des normes[50] – sous réserve qu’elle « ne compromette pas le niveau de protection prévu par la charte, telle qu’interprétée par la Cour, ni la primauté, l’unité et l’effectivité du droit de l’union »[51]. La marge de manœuvre conférée est ainsi encadrée par une condition qui est, elle, d’interprétation uniforme. Qui plus est, dans les deux cas précédemment envisagés, toute difficulté d’interprétation justifiera un renvoi préjudiciel en interprétation sans que la compétence exclusive étrangère n’y fasse obstacle. Le juge du for, par hypothèse celui d’un État membre, peut légitimement saisir la Cour de justice d’une question relative à la délimitation de l’effet spatial du droit de l’Union intégré à l’ordre juridique désigné compétent par les standards européens ou nationaux.

Il n’est pas certain que l’autre juridiction supranationale européenne, la Cour EDH, assure l’interprétation uniforme de la convention européenne des droits de l’homme[52]. Telle n’est pas sa mission première[53]. Ses arrêts ont une autorité limitée puisque déclaratoires[54]. La convention ne prévoit pas que la décision rendue contre un État soit obligatoire à l’égard des autres. Et le volontarisme de la Cour de cassation française[55] n’y remédie pas véritablement[56]. S’il manifeste que le juge français admet l’autorité de la chose interprétée des arrêts de la Cour EDH, elle repose sur un fondement fragile. En revanche, entre États membres l’autorité de la chose interprétée trouve un fondement dans le mécanisme de correspondance établi par l’article 52.3 de la charte. En effet, les dispositions de la charte qui correspondent aux droits garantis par la convention EDH doivent avoir le même sens et la même portée que ces derniers. Mais cela suppose l’applicabilité de la charte, et ouvre donc la compétence de la Cour de justice.

Par ailleurs, et s’agissant toujours de la Cour EDH, des questions inédites telle que celle objet de la présente étude font échec à une véritable interprétation uniforme dès lors qu’elle n’intervient qu’a posteriori[57]. Et, principe de subsidiarité oblige, la procédure qui permet d’obtenir un avis seulement consultatif[58] dans le cadre d’une procédure en cours est réservée aux « questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles »[59]. Pour résumer ce qui précède, la Cour EDH ne peut résoudre d’elle-même les divergences d’interprétation. Toujours est-il qu’en présence d’un arrêt pertinent de la Cour EDH, certains États pourront déduire du volontarisme de leur ordre juridique une autorité de la chose interprétée propre à lier chacun des deux ordres juridiques concernés. En l’absence d’un tel arrêt ou d’un tel volontarisme, il conviendra de traiter la situation comme s’il n’existait pas de juridiction assurant une interprétation uniforme de l’instrument de protection des droits fondamentaux partagé.

Enfin, et même à considérer que les deux juridictions européennes assurent une interprétation uniforme de leur catalogue de droits fondamentaux, toute interprétation divergente d’un État à un autre n’est pas à exclure. En effet, dans les deux ordres juridiques européens, l’interprétation peut être légitimement[60] modulée par la prise en compte des particularismes nationaux[61].

2. Lorsqu’il n’existe pas d’organe juridictionnel assurant une interprétation uniforme ou lorsque, malgré cet organe, une interprétation divergente de l’instrument commun se fait jour, le juge saisi devra décider laquelle privilégier. Celle de l’ordre juridique désigné compétent, pour peu que la hiérarchie des normes y a été appliquée, ou celle qui pourrait être faite dans l’ordre juridique du for.

La question n’est pas inconnue du droit international privé. Elle fut posée à la Cour de cassation dans l’affaire Hocke, s’agissant des interprétations divergentes de la loi uniforme sur la lettre de change par les juridictions françaises et allemandes[62]. Sa chambre commerciale considéra, en somme, que « le conflit de jurisprudences est un conflit de lois »[63] puisque l’interprétation fait corps avec le texte qu’elle éclaire. Comme la Cour permanente de justice internationale l’a affirmé, « ce sont les lois [d’un État], telles qu’elles sont appliquées [dans cet État], qui constituent en réalité le droit [de cet État] »[64] ; « ce ne serait pas appliquer un droit interne que de l’appliquer d’une manière différente de celle dont il serait appliqué dans le pays où il est entré en vigueur »[65]. En outre, l’interprétation donnée par le juge étranger n’est-elle pas la mieux à même de traduire l’effet spatial voulu par le législateur étranger. Refuser de faire application de l’interprétation lege causae reviendrait pour le juge saisi à forcer l’application du droit étranger[66], qu’il s’agisse d’en réduire ou d’en étendre l’effet spatial, sans qu’il puisse y être donné de véritable motif.

Pour autant, si la délimitation lege causae doit prévaloir, elle ne s’analyse pas en une renonciation de l’ordre juridique du for à la délimitation lege fori. Cette dernière application des droits fondamentaux peut en effet procéder d’une autre logique que celle du conflit de lois. Reste à identifier laquelle.

Partie II – La délimitation lege fori

La démarche d’analyse doit ici être plus théorique que précédemment dès lors que l’hypothèse envisagée n’est pas celle de la délimitation lege fori de la loi du for, mais celle de la délimitation, par les droits fondamentaux du for, de l’effet spatial de loi étrangère désignée applicable. En d’autres termes, ces derniers peuvent-ils s’appliquer à la règle étrangère identifiée dans l’ordre juridique désigné compétent pour en circonscrire l’effet juridique ? Est-ce au for de déterminer les conséquences juridiques de l’application du droit étranger ? Cela ne revient-il pas à en réduire ou à en forcer indument les effets ? En somme, à quel titre le juge du for pourrait-il moduler l’effet spatial d’une règle en deçà ou au-delà de celui que lui donne l’ordre juridique dont elle relève ?

Que le juge saisi soit pris à nouveau dans un dilemme n’est pas à exclure. Toutefois, l’objectif de la délimitation lege fori – délimiter l’effet spatial d’une règle sans remettre en cause son application au cas d’espèce – ne peut être atteint par les méthodes traditionnelles du droit international privé (A), ce qui rendrait d’autant plus pertinente une approche fondée sur l’application directe des droits fondamentaux[67] (B).

A. Inadéquation des méthodes conflictuelles

Actuellement, seule l’exception d’ordre public international permet, devant le juge national saisi, l’application des droits fondamentaux du for à la règle de droit étrangère aux fins de vérifier sa régularité substantielle internationale[68]. En effet, les catalogues européens, notamment, intègrent l’ordre public international du juge saisi[69] et leur application aux droits étrangers[70] est subordonnée aux conditions de ce mécanisme qui intervient en aval de la règle de conflit de lois. Sans qu’il soit nécessaire de revenir sur les raisons qui justifient l’affirmation selon laquelle l’exception d’ordre public international n’épuise pas le contrôle du respect des droits fondamentaux[71], ce mécanisme manque surtout, et non sans paradoxe[72], de la sophistication requise pour réaliser l’objectif qui est le nôtre. Ses modalités comme ses effets l’empêchent d’être l’instrument d’une délimitation de l’effet spatial du droit étranger.

1. La relativité de l’exception d’ordre public est de nature à la rapprocher de l’application des droits fondamentaux à la norme étrangère. En effet, la première ne joue généralement qu’en considération des circonstances de l’espèce[73]. La règle étrangère n’est pas confrontée dans l’abstrait au contenu de l’ordre public international. C’est le résultat de son application au cas d’espèce qui déclenche le mécanisme, ce qui constitue un point commun avec l’application des droits fondamentaux généralement faite devant le juge judiciaire.

Mais la relativité pourrait a priori receler un autre aspect de nature à rapprocher l’exception d’ordre public international de la délimitation lege fori de l’effet spatial de la règle étrangère : l’ordre public de proximité. Cette expression désigne la réaction différenciée de l’ordre public international en fonction de l’intensité des liens de la situation avec le for[74]. Des situations sans lien étroit avec le for pourront ainsi être régies par une loi quand elle serait écartée par l’exception d’ordre public s’agissant d’une situation particulièrement proche du for. Les liens pertinents sont généralement d’ordre personnel, comme la nationalité, ou territorial, comme le domicile ou à la résidence, et jouent au gré des circonstances de chaque espèce. Malgré la casuistique qui en résulte[75], deux raisons propres à ne pas permettre d’assimiler ordre public de proximité et délimitation de l’effet spatial des règles de droit étrangère ressortent des lignes tracées par la jurisprudence. La première tient au champ d’application matériel de l’ordre public de proximité. Aucune décision française n’a consacré son applicabilité à toute matière. À ce jour, il a uniquement été mis en œuvre à l’encontre de règles ou de décisions étrangères en matière familiale, et plus particulièrement en matière de divorce[76], de bigamie[77], de filiation[78] ou de répudiation[79]. Son extension au-delà des questions de statut personnel est discutée en raison des facteurs de rattachements utilisés[80]. Quoi qu’il en soit, et c’est la deuxième raison d’une impossible assimilation, aucun d’eux n’est pertinent en ce qui concerne la délimitation de l’effet spatial des règles de droit étrangères. Certes, cette dernière résulte de la prise en considération de l’accès à une information depuis un territoire donné[81]. Mais la résidence et le domicile sont des rattachements encore trop rigides dès lors qu’il suffit d’être sur un territoire donné pour accéder au contenu susceptible d’être affecté par la décision du juge saisi. Et la simple présence d’un individu n’exprime pas un rattachement suffisant pour justifier, dans la perspective du droit international privé français, la mise en œuvre de mécanismes fondés sur la proximité[82].

2. Les effets de l’exception d’ordre public excluent plus certainement son assimilation à la délimitation lege fori. Lorsque le résultat auquel elle conduit au cas d’espèce est jugé choquant du point de vue du for, la règle étrangère désignée applicable par la règle de conflit de lois est évincée. À cet effet négatif s’ajoute un effet positif. Afin que le juge puisse trancher au fond, il y a « substitution de la loi française à la loi normalement compétente »[83], dans la stricte mesure de ce que l’incompatibilité du résultat de l’application du droit étranger requiert. Dans d’autres États, l’éviction d’une règle étrangère entraîne l’application d’une autre règle du droit étranger désigné compétent, qui n’est donc pas celle dont ce dernier souhaitait l’application[84].

La délimitation de l’effet spatial de la règle de droit est d’une autre nature. Certes, elle peut procéder de ce que le résultat d’application du droit étranger est jugé choquant par l’ordre juridique du for. Mais l’atteinte disproportionnée aux droits et libertés d’autrui résulte non pas du principe même de la solution déduite du droit étranger mais de l’étendue géographique de ses conséquences juridiques. Dès lors, remettre en cause l’applicabilité de la règle de droit emporte la substitution d’une autre règle sans nécessairement résoudre cette difficulté, sauf à lui substituer la loi du for pourvue d’un effet spatial délimité lege fori. En outre, la règle étrangère en cause ne peut être évincée pour une partie seulement de l’effet spatial qu’elle produit. Cela reviendrait à un dépeçage forcé du droit applicable à une même question litigieuse ainsi qu’à porter atteinte à la cohérence du traitement de la situation. Or, « la substitution ne s’effectue que dans la mesure de ce qui est nécessaire, mais dans toute cette mesure »[85]. Quoi qu’il en soit, la loi du for devrait se substituer au droit désigné applicable dans la mesure où l’effet spatial de ce dernier heurterait les valeurs du for. En somme, nous pourrions affirmer que ce mécanisme frappe trop fort, qu’il manque de finesse. Mais paradoxalement, il ne peut intervenir dans tous les cas où serait souhaitable une délimitation de l’effet spatial de la lex causae. Il doit demeurer exceptionnel, ce qui ressort notamment des termes du droit international privé de l’Union qui la subordonnent à une incompatibilité manifeste avec l’ordre public du for[86].

À l’inverse, la délimitation de l’effet spatial ne remet pas en cause l’applicabilité de la norme étrangère, mais la prive pour partie de l’effet juridique qui lui est attribué. Il n’est pas de substitution d’une règle à celle désignée applicable. Cette dernière s’applique mais produit un effet géographique différent de celui prévu par l’ordre juridique désigné compétent. Ce résultat n’est permis que par l’application directe des droits fondamentaux.

B. Application directe des droits fondamentaux

L’enjeu de la délimitation lege fori est de répondre de la façon la plus appropriée à l’application des droits fondamentaux aux règles de droit étrangère. À cet égard, l’application directe n’est pas une nouveauté[87]. Elle n’impose pas l’éviction de la loi étrangère[88] sauf à ce qu’elle conduise à une solution qui, dans son principe même, est choquante. Mais l’employer aux fins de limiter l’effet spatial d’une règle qui n’appartient pas au même ordre juridique ne va pas sans soulever des difficultés.

1. La délimitation lege fori pourrait être perçue comme une immixtion directe du juge saisi dans le contenu de la règle de droit étrangère. A priori la réaction du for qui consiste à limiter l’effet juridique d’une règle est moins grave que celle qui consiste à évincer la loi étrangère, laquelle peut constituer une forme de stigmatisation. À regarder les choses simplement, dans un cas, il s’agit de refuser tout effet à la règle, dans l’autre de le limiter spatialement. Mais l’analyse est tout autre à considérer que la manœuvre consiste pour le juge saisi à moduler l’un des deux éléments structurels de la règle de droit étrangère sur le fondement de son propre droit, en d’autres termes à réécrire partiellement la règle de droit étrangère. En effet, par principe, l’égalité souveraine des États s’oppose à ce que les juridictions de l’un d’eux puissent s’ériger en juge d’un autre[89]. Surtout, la souveraineté d’un État fait obstacle à ce qu’un pair puisse, par l’intermédiaire de son juge, se substituer à lui dans l’exercice de sa compétence législative[90].

Ces deux affirmations sont à nuancer dès lors que sont en cause des intérêts privés. En effet, le droit international privé constitue plus « un mode de régulation des situations juridiques comportant un élément d’extranéité […] qu’une technique de délimitation de la sphère de compétence de différents États souverains »[91]. Ainsi, l’existence de l’exception d’ordre public manifeste déjà la possibilité pour le juge saisi d’apprécier la régularité substantielle du droit étranger à l’aune de ses propres valeurs. Non sans lien, la compétence législative d’un État n’est exclusive que sur son territoire. Et, à se placer dans la perspective du droit international public, c’est par exception que la loi d’un État peut être appliquée par un autre État[92]. Dans la perspective du droit international privé, la loi étrangère, dont ne persiste que l’élément rationnel, est dépourvue de son élément impératif lorsqu’elle est appliquée par un juge étranger[93]. Certes, le juge saisi applique la règle étrangère pour trancher le litige au fond. Mais c’est bien au nom de l’ordre juridique du for qu’il rend la justice. Qui plus est, la délimitation lege fori des effets spatiaux ne modifie la teneur du droit étranger qu’en ce qu’il est appliqué par le juge du for au cas d’espèce. Le droit étranger demeure inchangé dans son ordre juridique d’origine, de sorte que la compétence législative étrangère n’est pas fondamentalement méconnue.

Reste que le droit étranger doit s’appliquer selon les règles de droit international privé du for. Et les règles françaises en la matière proscrivent la dénaturation du droit étranger[94]. L’interprétation donnée au droit français ne peut-elle pas s’appliquer au droit étranger[95]. La délimitation de l’effet spatial du droit au déréférencement lege commune ne pourrait être appliquée à une prérogative comparable attribuée à la personne concernée par un droit étranger.

2. En raison de sa source, la délimitation lege fori doit s’analyser comme un mécanisme correctif induit par l’injonction faite aux juges d’assurer le respect des droits fondamentaux, qu’ils soient d’origine nationale, européenne ou internationale. Cette injonction n’est pas exempte de nécessaires vérifications de l’applicabilité spatiale des droits fondamentaux, distincte pour chaque source. Ainsi, l’article 1er de la convention EDH contraint les hautes parties contractantes à garantir le respect des droits qu’elle catalogue « à toute personne relevant de leur juridiction ». L’article 51.1 de la charte est moins précis lorsqu’il vise la mise œuvre le droit de l’Union. Si l’idée demeure que le juge saisi doit ainsi s’abstenir de prêter la main à la violation d’un droit fondamental par l’application d’une loi étrangère, la mise en balance requise ne pourra être limitée au contexte local lorsque la décision à adopter a vocation à affecter internet. Les droits fondamentaux nationaux, européens ou internationaux doivent-ils bénéficier à des personnes qui ne se trouvent pas sur le territoire d’un État lié par l’obligation de les respecter ? La réponse est positive. Que la décision ait un effet extraterritorial ne devrait pas avoir pour effet d’exclure l’applicabilité des droits fondamentaux en vigueur au for[96], et donc l’obligation de procéder à une délimitation lege fori sur leur fondement.

Toutefois, cette réalisation de l’obligation d’assurer le respect des droits fondamentaux pourrait apparaître comme une défiance à l’égard des droits étrangers, en décalage avec la tolérance qui imprègne traditionnellement et aujourd’hui encore le droit international privé. Le correctif de la délimitation lege fori pourrait ainsi être jugé plus sévère que l’exception d’ordre public car s’il maintient l’application du droit étranger, il procède d’une application directe des droits fondamentaux au droit étranger. Toutefois, la délimitation de l’effet spatial procède de l’idée même d’un respect très large des conceptions et contextes étrangers lesquels peuvent appeler des arbitrages distincts d’un État à un autre[97]. La balance des intérêts retenue par le droit étranger pourra être conservée pour les personnes accédant à internet depuis le territoire concerné et être simplement modifiée pour les autres territoires d’accès, en fonction de chacun des contextes nationaux. En outre, cette application directe des droits fondamentaux est subsidiaire, c’est-à-dire limitée à la situation dans laquelle les droits fondamentaux lege causae ne sont pas d’ores et déjà interprétés comme susceptible de limiter l’effet spatial des règles, ou ne donnent pas lieu à une délimitation satisfaisante. En d’autres termes, la délimitation lege fori devrait demeurer exceptionnelle.

Enfin, la délimitation lege fori peut se réclamer d’une politique jurisprudentielle inaugurée par la Cour de justice dans son arrêt Google LLC. Elle y affirme qu’un déréférencement mondial serait le moyen le plus approprié de réaliser l’objectif de garantir un niveau élevé de protection des données à caractère personnel avant de concéder une modération de cette prérogative tirée du droit de l’Union et de laisser aux États le soin de décider d’une échelle différente de l’effet européen de principe. Le self-restraint de la Cour de justice, qui s’est refusé à ce qu’un juge d’un État membre puisse imposer sans nuance le standard européen de la protection des données à l’ensemble du monde, ne saurait s’accommoder d’un effet spatial indifférencié conféré aux règles de droit d’États tiers. Elle manifeste un refus que puisse être modifié unilatéralement le contenu de l’espace commun qu’est internet sans justification au regard des intérêts en concours, et ce afin de préserver le libre accès à l’information[98] et la liberté d’entreprendre. La délimitation lege fori pourrait ainsi venir sanctionner l’absence de comitas des juridictions des États tiers.

***

La délimitation de l’effet spatial des règles de droit par les droits fondamentaux n’est encore qu’une esquisse dans l’arrêt Google LLC ainsi que dans la présente étude. Seul son principe en a été discutée. Théoriquement envisageable, quoi qu’elle ne manquera pas de susciter des débats, elle est en pratique difficile à mettre en œuvre. Dans l’absolu, elle requiert des connaissances trop étendues de la protection des droits et libertés dans les autres États. Serait-elle, de ce fait, réduite à ne permettre de limiter l’effet spatial d’un droit étranger qu’à l’échelle nationale ou européenne à défaut pour le juge d’être concrètement en mesure de se prononcer à une autre échelle ?

 

 

 

Auteurs

Ludovic Paillet, Professeur agrégé de droit privé et sciences criminelles, Membre du Centre de Recherche sur le Droit International Privé (EDIEC – EA4185), Université Jean Moulin Lyon III

Pour citer cet article

Ludovic Pailler, « La délimitation de l’effet spatial des règles de droit par les droits fondamentaux », Europe of Rights & Liberties/Europe des Droits & Libertés, n° 4, pp. 168-184.

Par commodité, les deux expressions seront utilisées de façon interchangeable.

L. Sinopoli, Le droit au procès équitable dans les rapports privés internationaux. Recherche sur le champ d’application de l’article 6 § 1er de la Convention européenne des droits de l’homme en droit international privé, Paris I, 2000, F. Marchadier, Les objectifs généraux du droit international privé à l’épreuve de la CEDH, Bruylant, 2007, P. Kinsch, « Droits de l’homme, Droits fondamentaux et Droit international privé», RCADI 2005, t. 318, p. 9, L. D’Avout, « Droits fondamentaux et coordination des ordres juridiques en droit privé », in E. Dubout et S. Touzé (dir.), Les droits fondamentaux : charnières entre ordres et systèmes juridiques, Pedone, 2010, p. 165, F. Matscher, «Le droit international privé face à la Convention européenne des droits de l’homme », TCFDIP. Années 1995- 1996. 1996-1997. 1997-1998, Pedone 2000, p. 212, J.-S. Bergé, « Le droit à un procès équitable au sens de la coopération judiciaire en matière civile et pénale : l’hypothèse d’un rapport de mise en œuvre », in C. Picheral (dir.), Le droit à un procès équitable au sens du droit de l’Union européenne, Anthemis, 2012, p. 249, L. Pailler, Le respect de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dans l’espace judiciaire européen en matière civile et commerciale, Pedone, Publications de l’Institut International des Droits de l’Homme, 2017, R. Legendre, Droits fondamentaux et droit international privé, Daloz, 2020, Nouvelle Bibliothèque de Thèses, vol.135.

CJUE, Gde ch., 24 sept. 2019, C-507/17, Google LLC c. CNIL, D. 2019, p.2022, note J.-L. Sauron, ibid., 2020, p.515, note T. Douville, ibid. 1970, obs. L. D’Avout, S. Bollée et E. Farnoux, Dalloz IP/IT 2019, p.631, note N. Martial-Braz, JCP G 2019, 1031, obs. F. Donnat, JDI 2020, 6, note L. Pailler.

Délib. de la formation restreinte n°2016-054 du 10 mars 2016 prononçant une sanction pécuniaire à l’encontre de la société X., CCE 2016, comm.65, obs. A. Debet.

CE, 19 juill. 2017, n°399922, Comm. com. électr. 2017, comm.85, obs. A Debet, RFDA 2017, p.972,  concl. A. Bretonneau, RTD eur. 2018, p.396, obs. A. Bouveresse.

Pt.53 de l’arrêt Google LLC.

Pts.48 à 52 de l’arrêt Google LLC.

Dir. 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

CJUE, 13 mai 2014, C-131/12, Google Spain et Google, AJCT 2014, p.502, obs. O. Tambou, Comm. com. électr. 2014, étude 13, A. Debet, D. 2014, p.1476, obs. V.-L. Benabou et J. Rochfeld, ibid., p.1481, obs. N. Martial-Braz et J. Rochfeld, ibid., p.2317, obs. P. Trefigny, Gaz. Pal. 2014, 19 juin 2014, p.3, obs. C. Kleitz, JCP E 2014, 49, n°24, obs. M. Griguer, JCP G 2014, 1300, n°26, obs. L. Marino, LPA 2014, p.9, note G. de Malafosse, Rev. UE 2016, p.597, étude R. Perray, RLDC 2016, n°142, p.19, obs. M. Dupuis, RTD eur. 2014, p.283, édito J.-P. Jacqué, ibid., p.879, étude B. Hardy, RTDH 2015, p.987, obs. J. Dupont-Lassale.

Règl.(UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Pts.52 et 53 de l’arrêt Google LLC.

Principes d’une réalisation méthodique du droit privé. La théorie des éléments générateurs des droits subjectifs, Dalloz, 2002, spéc. n°16.

P. Mayer, La distinction entre règles et décisions et le droit international privé, Dalloz, 1973, Bibl. de Droit international privé, vol. XVIII, spéc. n°60.

C Pérès-Dourdou, La règle supplétive, LGDJ, 2004, Bibl. de Droit privé, t.421, spéc. p.135-136.

Elle ne résulte pas des règles de conflit de lois, lesquelles sont des règles indépendantes des règles substantielles qu’elles désignent applicables. Le droit international privé connaît « des règles substantielles fixant leur propre domaine spatial d’application et, pour cette raison, excluant leur application dans des hypothèses relevant pourtant de la compétence de la loi qui les a édictées » (B. Haftel, « Les normes auto-limitées en droit international privé », Mélanges en l’honneur de Bertrand Ancel. Le droit à l’épreuve des siècles et des frontières, LGDJ, 2018, p.847, spéc. p.849).

P. Mayer, op. cit., spéc. n°61.

H. Motulsky, op. cit., spec. n°17.

Pts.59 et 60.

Pts.60 et s.

Pt.67.

Pt.72.

CJUE, Gde ch., 26 févr. 2013, C‑617/10, Åkerberg Fransson, pt.29, AJ pénal 2013, p. 270, note C. Copain, CDE 2014, p. 283, note A. Épiney, Europe 2013, comm. 154, obs. D. Simon, JCP G 2013, 312, obs. F. Picod, JDI 2014, p. 651, obs. D. Dero-Bugny, RDLF 2013, chron. 11, note S. Platon, RFDA 2013, p. 1231, obs. L. Clément-Wilz, RGDIP 2014, p. 333, note D. Appanah, RLC, juillet 2013, p. 87, note É. Barbier de La Serre, RLDA, mai 2013, p. 52, note F. Zampini, RTD civ. 2014, p. 312, note L. Usunier, RTD eur. 2013, p. 267, note D. Ritleng ; CJUE, Gde ch., 26 févr.2013, C‑399/11, Melloni, pt.60, AJ pénal 2013, p. 350, note J. Lelieur, CDE 2013, p. 293, note É. Dubout, Constitutions 2013, p. 184, obs. A. Levade, Europe 2013, comm. 166, obs. F. Gazin, Lettre « Actualités Droits-Libertés» du CREDOF, 22 mars 2013, note M. Benlolo-Carabot, Europe2013, comm.166, obs. F. Gazin, RAE 2013, p. 139, note M. Brkan, RDUE 2013, p. 182, note P.Mattera.

V., notamment, P. Mayer, « La Convention européenne des droits de l’homme et l’application des normes étrangères », Rev. crit. DIP 1991, p.651.

V. infra.

Cela explique que l’étude soit limitée à l’effet spatial. Pour autant, les raisonnements développés sont, mutatis mutandis, transposables à la limitation du domaine d’application spatial des règles de droit par les droits fondamentaux par extension de l’autolimitation déjà connue du droit international privé (B. Haftel, loc. cit., R. de Nova, « Conflits des lois et normes fixant leur propre domaine d’application », Mélanges Jacques Maury, Dalloz, 1960, t.I, p.377, K. Lipstein, « Les normes fixant leur propre domaine d’application : expérience anglaises et américaines », TCFDIP 1977-1979, Éditions du CNRS, 1980, p.187, F. Rigaux, « Les règles de droit délimitant leur propre domaine d’application », Annales de droit de Louvain 1983/4, p.286, P. Kinsch, « L’autolimitation implicite des normes de droit privé matériel », Rev. crit. DIP 2003, p.403).

V., notamment, Y. El Hage, Le droit international privé à l’heure de l’internet, Paris I, 2020.

Les exemples de reterritorialisation des réseaux ne sont pas rares qu’il s’agisse, à titre général, du géoblocage lequel est exceptionnellement permis par le droit de l’Union (Règl. (UE) 2018/302 du Parlement européen et du Conseil du 28 février 2018 visant à contrer le blocage géographique injustifié et d’autres formes de discrimination fondée sur la nationalité, le lieu de résidence ou le lieu d’établissement des clients dans le marché intérieur), ou, à titre particulier du Great Firewall chinois (v., notamment, J. Bourguignon, Internet année zéro, Ed. divergences, 2021, p.199 et s.) ou de l’« internet souverain russe » (F. Musiani, B. Loveluck, F. Daucé et K. Ermoshiva, « Souveraineté numérique : l’internet russe peut-il se couper du reste du monde ? », TheConversation.fr, 18 mars 2019, dernière consultation le 5 septembre 2021).

CJUE, Gde ch., 17 oct. 2017, C-194/16, Bolagsupplysningen, pt.48, D. 2018, p.276, note F. Jault-Seseke, Europe 2017, comm.494, obs. L. Idot, JCP G 2017, 1293, note M. Laazouzi, Légipresse 2017, p.609, note J.-S. Bergé, Procédures 2017, comm.306, obs. C. Nourissat, Rev. crit. DIP 2018, p.290, note S. Corneloup et H. Muir Watt.

La solution de principe du déréférencement à l’échelle européenne est notamment justifiée par l’existence d’une coopération des États membres, quand l’absence de cette dernière justifie le refus d’un déréférencement mondial (CJUE, Gde ch., Google LLC, préc., pts.63 et 64).

Rappr., Recommandation de l’OCDE relative à la coopération transfrontière dans l’application des législations protégeant la vie privée, 2007 ; Resolution on exploring future options for international enforcement Cooperation, 39ème conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée, Hong Kong, 26 et 27 sept. 2017 ; Resolution on the promotion of new and long-term practical instruments and continued legal efforts for effective cooperation un cross-border enforcement, 41ème conférence internationale des commissaires à la protection des données et de la vie privée, Tirana, oct. 2019.

V. le chapitre III du RGPD consacré aux « Droits de la personne concernée » ; V., également, sur l’exercice de droits analogues par une personne morale, CJUE, Gde ch., Bolagsupplysningen, préc.

V. sur la délimitation de l’effet spatial des prérogatives tirées de la directive « commerce électronique », CJUE, 3 oct. 2019, C-18/18, Eva Glawischnig-Piesczek, Conc. com. electr. 2019, comm.67, obs. G. Loiseau, JDE 2020, p. 65, note É. Wery, Légipresse 2020, p.29, note V. Varet.

L. Pailler, « L’applicabilité spatiale du Règlement général sur la protection des données (RGPD) – Commentaire de l’article 3 », JDI 2018, p. 823.

Art.3.1 RGPD.

P. Mayer, « Le phénomène de la coordination des ordres juridiques », Rec. Cours La Haye, t.327, 2007, p.9, spéc., p.199, n°186.

Ibid., spéc. p.205, n°190.

J.-S. Bergé, « Lieux et formes d’application du droit étranger soumis à un contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité », in G. Cerqeira et N. Nord (dir.), Contrôle de constitutionnalité et de conventionnalité du droit étranger, Société de législation comparée, 2017, p.17, spéc. p.32.

CJUE, Gde ch., Åkerberg Fransson, préc., pt.29 ; CJUE, Gde ch., Melloni, préc., pt.60.

V. infra.

Art.17 RGPD.

Sur cette qualification appliquée à l’autolimitation du domaine spatial de la règle de droit, P. Kinsch, loc. cit., spéc. n°5.

Art.1 RGPD.

V. infra.

Comp., sur l’autolimitation du domaine spatial de la règle de droit, P. Kinsch, loc. cit., spéc. n°5.

P. de Vareilles-Sommières, « Le conflit hiérarchique étranger de normes devant le juge judiciaire français. Application à la constitutionnalité et à la conventionnalité de la loi étrangère », in G. Cerqueira et N. Nord (dir.), op. cit., p. 49, spéc. n°2 et s.

P. de Vareilles-Sommières, loc. cit., spéc. n°16 ; souligné par l’auteur.

Art. 267 TFUE.

Rappr. P. de Vareilles-Sommières, loc. cit., spéc. n°21.

CJCE, 27 mars 1963, C-28 à 30/62, Da Costa, Rec. 59.

Cf. I.A.

CJUE, Gde ch., Åkerberg Fransson, préc., pt.29 ; CJUE, Gde ch., Melloni, préc., pt.60.

Comp., J.-S. Bergé, loc. cit., spéc. p.22.

Elle a pour mission « d’assurer le respect des engagements résultant pour les Hautes Parties contractantes » de la convention et de ses protocoles (art.19 Conv.EDH).

Art. 46 Conv.EDH. V., en complément, F. Sudre, L. Ilano, H. Surrel et B. Pastre-Belda, Droit européen et international des droits de l’homme, PUF, 2021, 15ème éd., n°250 et s.

V. sur la large autorité reconnue aux arrêts de la Cour EDH, Ass. plén., 15 avr. 2011, n°10-17.049, Constitutions 2011, p.326, obs. A. Levade, Dr. Pénal 2011, comm.72, obs. M. Haas et A. Maron, JCP G 2011, 756, obs. J. Pradel, RSC 2011, p. 410, obs. A. Giudicelli, RTD civ. 2011, p.725, obs. J.-P. Marguénaud.

Comp., J.-P. Marguénaud, La Cour européenne des droits de l’homme, Dalloz, 2016, 7ème éd., p.187 et s.

Sur la condition de recevabilité de la requête devant la Cour EDH tenant à l’épuisement des voies de recours, art. 35.1 conv.EDH.

art.5 du Protocole 16.

art.1.1 du Protocole 16.

Il existe également des réserves prétoriennes de sauvegarde constitutionnelle, sur lesquelles voir, en matière de protection des données, CE, ass., 21 avr. 2021, n°393099, 394922, 397844, 397851, 424717 et 424718, French Data Network e.a., JCP G 2021, 659, A. Iliopoulou-Penot.

V., notamment, en droit de l’Union européenne, art.4.2 TFUE, art.67.1 TFUE et art.22 CDFUE ; v. notamment, sur la prise en compte de la variation des traditions culturelles d’un pays à un autre, Cour EDH, 24 févr. 1994, req. n°15450/89, Casado Coca c. Espagne, §54, AJDA 1994, p.511, obs. J.-F. Flauss.

Com., 4 mars 1963, JDI 1964, p.806, note B. Goldman, Rev. crit. DIP 1964, p.235, note P. Lagarde.

P. Malaurie, « Loi uniforme et conflits de lois », Travaux du Comité français de droit international privé, 1964-1966, p.83, spéc. p.96.

CPIJ, 12 juill. 1929, Affaire des emprunts serbes, série A, n°20, spéc. p.46.

CPIJ, 12 juill. 1929, Affaire des emprunts brésiliens, série A, n°21, spéc. p. 124.

Rappr. P. Mayer, loc. cit., spéc. n°198.

Sans l’intermédiaire d’un mécanisme de droit international privé. Sur les vives réactions suscitées par l’application des droits fondamentaux aux droits étrangers, v., notamment, L. Gannagé, « À propos de l’« absolutisme » des droits fondamentaux », Mélanges en l’honneur d’Hélène Gaudemet-Tallon. Vers de nouveaux équilibres entre ordre juridiques, Dalloz, 2008, p.265.

J.-S. Bergé, loc. cit., spéc. p.23, P. de Vareilles-Sommières, loc. cit., spéc. n°9 ; comp., prônant une application des droits fondamentaux dissociée de l’ordre public international mais pouvant être dotée des mêmes effets d’éviction du droit étranger, R. Legendre, op. cit., n°404 et s.

Civ.1ère, 15 janv 2020, préc. ; voir également, sur l’intégration de la charte, mais en matière de reconnaissance et d’exequatur, CJUE, 25 mai 2015, C-559/14, Meroni, D. 2016, p.1636, note E. Bonifay, JDI 2016, comm.20, note L. Pailler, Procédures 2016, comm.231, obs. C. Nourissat, Rev. crit. DIP 2017, p.103, note D. Bureau et H. Muir Watt.

Les juridictions supranationales n’ont pas encore été confrontées à l’application du droit d’un État qui ne serait pas parti à l’instrument dont elles garantissent l’application et l’interprétation. Tout au plus ont-elles été saisi de l’application du droit musulman prévue par le droit grec (Cour EDH, Gde ch., 19 déc. 2018, req. n°20452/14, Molla Sali c. Grèce, D. 2019, p.316, obs. H. Fulchiron, JDI 2019, chron.7, obs. H. Apchain, Rev. crit. DIP2019, p.1002, note Ch. Pamboukis, RTD civ. 2019, p.281, obs. J.-P. Marguénaud).

V., notamment, R. Legendre, op. cit., n°276 et s.

Comp., faisant état de « l’absence de sophistication des raisonnements » qui accompagnent la mise en œuvre des droits fondamentaux, H. Muir Watt, « Concurrence ou confluence ? Droit international privé et droits fondamentaux dans la gouvernance globale », RIE 2013, p.59, spéc. n°5.

Rares sont les clauses d’ordre public qui prévoient une réaction in abstracto de l’ordre juridique du juge saisi (v., par ex., art.10 Règl. (UE) n°1259/2010 du Conseil du 20 décembre 2010 mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps ; CJUE, 16 juill. 2010, C‑249/19, JE c. KF, AJ fam. 2020, p.595, obs. A. Boiché, Europe 2020, comm.325, obs. L. Idot, Rev. crit. DIP 2020, p.853, note S. Corneloup).

V., pour exemple, Civ.1ère, 1er avr. 1981, De Pedro, n°79-13.959, Bull. n°117, D. 1982, IR, p.69, obs . B. Audit, JDI 1981, p.812, note D. Alexandre, Defrénois 1982, p.353, note J. Massip.

H. Gaudemet-Tallon, « Le pluralisme en droit international privé : richesses et faiblesses (Le funambule et l’arc-en-ciel), RCADI 2005, t.312, p.9 spéc. p.433 et s., n°500 et s.

Civ.1ère, 1er avr. 1981, De Pedro, préc.

Civ.1ère, 6 juill. 1988, n°85-12.743, Baaziz, Rev. crit. DIP 1989, p.71, note Y. Lequette.

Civ.1ère, 10 févr. 1993, n°89-21.997, Latouz, Bull. I n°64, D. 1994, p.66, obs. J. Massip, JDI 1994, p.124, note I. Barrière-Brousse, Rev. Crit. DIP1993, p.620, note J. FOYER.

Civ.1ère, 17 févr. 2004, n°01-11.549 et n°02-11.618, Bull. I n°47 et n°48, D. 2004, p.815, obs. P. Courbe, ibid., p.  824, concl. F. Cavarroc, JCP G2004, II, 10128, note H. Fulchiron, Gaz. Pal. 2004, n°28, p.33, note M.-L. Niboyet, JDI 2004, p.1200, note L. Gannagé, Rev. crit. DIP 2004, p.423, note P. Hammje, RTD civ. 2004, p.367, note J.-P. Marguénaud.

V., cantonnant l’ordre public de proximité aux seules questions de statut personnel, P. Courbe, « L’ordre public de proximité », Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde. Le droit international privé : esprit et méthodes, Dalloz, 2005, p.227, P. Mayer, V. Heuzé et B. Rémy, Droit international privé, LGDJ, 2019, n°216 ; v., sur l’extension de ce mécanisme à d’autres matières, Y. Loussouarn, P. Bourel et P. de Vareilles-Sommières, Droit international privé, Dalloz, 2013, 10ème éd., n°408.

CJUE, Gde ch., Google LLC, préc., pts.63, 67, 69, 70 et 73.

V., sur la notion de proximité et la faiblesse du rattachement déduit de la présence d’un individu sur un territoire, P. Lagarde, « Le principe de proximité dans le droit international privé », Rec. Cours La Haye, vol. 196, p.9, spéc. n°2 et 132.

Civ.1ère, 15 juill. 1963, Bull. n°392, Rev. crit. DIP 1964, p.732.

Sur le droit international privé allemand, v. P. Lagarde, « Ordre public », Rép. Dr. International, Déc. 1998, n°68.

B. Audit et L. d’Avout, Droit international privé, LGDJ, 2018, 1ère éd., spéc. n°398.

V., par ex., art.21 Règl. (CE) n°593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).

V., notamment, F. Marchadier, op. cit., n°506 et s., R. Legendre, op. cit., n°404 et s.

Comp., sur la neutralité méthodologique des droits fondamentaux en matière de coordination normative, F. Marchadier, op. cit., n°186 et s.

J. Combacau et S. Sur, Droit international public, LGDJ, 13ème éd., 2019, p.272.

Rappr., sur la liberté des États induite de leur souveraineté, Ibid., p.271.

É. Pataut, Principe de souveraineté et conflit de juridictions, LGDJ, 1999, Bibl. de Droit privé, t.298, spéc. p.9.

D. Carreau « État », Rép. Dr. International, sept. 2010, spéc. n°52.

V., pour un aperçu et une discussion de cette distinction, P. Mayer, op. cit., n°219 et s.

Civ. 1ère, 21 nov. 1961, Montefiore, Bull. n°542, JDI 1962, p.686, note B. Goldman, Rev. crit. DIP 1962, p.329, note P. Lagarde.

Civ. 1ère, 1er juill. 1997, Soc. Africatours, n°95-15.262, Bull. I n°221.

F. Sudre e.a., op. cit., n°210.

V., à titre d’illustration, CJUE, Gde ch., Google LLC, préc., pts.59 et 67.

Comp., concl. de l’avocat général Maciej Szpunat sous l’arrêt Google LLC, pt.61.

ABSTRACT
Are fundamental rights supposed to limit the spatial domain of the legal effects of law rules? This is the question of private international law that emerges in the Google LLC judgment of the Court of Justice and that constitutes the starting point for a more general reflection in the context of the Internet, a non-territorialized and ubiquitous space. If the delimitation by the judge of the spatial effect of his own law rules is conceivable, the delimitation of foreign law rules by the fundamental rights of the forum raises more questions.


RESUME
Les droits fondamentaux ont-ils vocation à limiter le domaine spatial des effets juridiques d’une règle de droit ? Telle est la question de droit international privé qui affleure dans l’arrêt Google LLC de la Cour de justice et constitue le point de départ d’une réflexion plus générale dans le contexte d’internet, un espace non territorialisé et ubiquitaire. Si la délimitation par le juge de l’effet spatial de ses propres règles est envisageable, la délimitation des règles de droit étrangères par les droits fondamentaux du for suscite plus d’interrogations.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Partie I - La délimitation lege causae
    • A. Par des sources propres à la lex causae
    • B. Par des sources en partage avec la lex fori
  • Partie II - La délimitation lege fori
    • A. Inadéquation des méthodes conflictuelles
    • B. Application directe des droits fondamentaux
Aucun article avec des thèmes similaires n’a été trouvé