Interdiction d’entrée dans les eaux territoriales pour les bateaux humanitaires: le cas du décret-loi italien sicurezza bis

Di Marco Antonio

« Quelle patrie est assez barbare pour permettre de telles mœurs ? On nous refuse l’accueil d’une plage ; on nous déclare la guerre ; on nous interdit de mettre pied à terre »
(Virgile, Enéide, Livre 1, 539-40)

1. « Sécurisation de l’immigration » et droit de la mer: le cas problématique du décret sicurezza bis

La politique migratoire des pays européensdes trois dernières décennies est marquée, comme on le sait, par une approche défensive et sécuritaire qui considère comme « ennemi principal » l’immigration clandestine. Le migrant irrégulier a été envisagé en tant que « risque sécuritaire », que les Etats traitent de plus en plus avec des mesures d’urgence justifiées par des motifs de sécurité et d’ordre publics[1].

Le décret-loi 2019 n° 59 concernant les « dispositions urgentes en matière de sécurité et d’ordre publics »[2], converti en loi le 5 août 2019, est un exemple évident de ce que l’on appelle la « sécurisation de l’immigration ». Il s’agit d’un acte visant à renforcer la lutte contre l’immigration clandestine, présenté au public sous le nom de « decreto sicurezza bis »[3] et adopté selon la procédure de législation d’exception et d’urgence prévue par l’art. 77 de la Constitution italienne.

Le décret-loi sicurezza bis a été adopté dans un contexte de fort conflit avec les organisations non gouvernementales (ONG) qui participent au sauvetage de personnes en Méditerranée centrale. Depuis 2018, les autorités italiennes refusent d’accorder aux ONG l’autorisation de débarquer les migrants sauvés en mer ; dans les cas où les débarquements se sont imposés pour raisons d’assistance aux migrants, les navires ont été confisqués et les membres d’équipage ont fait l’objet d’enquêtes pour infractions « d’association de malfaiteurs en vue de favoriser l’immigration clandestine »[4]. L’interdiction de débarquement de migrants sauvés en mer a même concerné, dans certains cas, des navires militaires italiens qui avaient récupéré des migrants sauvés dans les eaux internationales par des bateaux humanitaires[5].

Le décret sicurezza bis prévoit notamment la possibilité d’interdire l’entrée dans les eaux territoriales aux navires étrangers pour raisons d’ordre public (art. 1) et des sanctions administratives très sévères pour les contrevenants(art. 2). Ces dispositions ont suscités de vives réactions et certains experts des Nations Unies ont immédiatement fait valoir que cela constituait une « criminalisation des opérations des recherche et sauvetage en mer »[6].

La question s’est posée de savoir si le nouveau décret-loi constituait ou non une violation des instruments internationaux sur les secours et les sauvetages en mer. La motivation du décret sicurezza bis est en effet une « urgence et nécessité extraordinaire [posée par] un détournement du droit international de la mer »[7] (§2), qui doit forcément se confronter aux obligations du droit humanitaire (§3). Dans ce cas de figure, il s’agit de vérifier si l’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales est compatible avec l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer, en prenant en compte la spécificité des bateaux humanitaires opérant en Méditerranée centrale (§4) et l’obligation dedébarquer les personnes sauvées en mer dans les meilleurs délais raisonnablement possibles (§5).

Dans cet article, nous illustrerons si et dans quelle mesure l’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales pour les bateaux humanitaires viole le droit de la mer (§6).

2. « Urgence et nécessité extraordinaire »à la base du décret sicurezza bis

L’adoption d’une procédure législative d’urgence conformément à l’art.77 de la Constitution italienne n’a rien de nouveau en matière d’immigration ; des procédures similaires ont été utilisées pour le décret-loi Minniti du 3 février 2017 et le décret sicurezza du 4 octobre 2018. A chaque fois, le gouvernement a engagé sa responsabilité sur la conversion de ces décrets en loi par les Chambres, ce qui a eu pour effet de réduire considérablement les délais d’adoption, et a évité le débat parlementaire[8].

Dans le cas du décret sicurezza bis, le recours à cette procédure, fortement contesté par une partie de la doctrine italienne[9], se fonde sur l’« urgence et la nécessité extraordinaire [posée par] un détournement du droit international de la mer, de nature à porter atteinte à l’ordre public et à la sécurité nationale »[10], qui reste toutefois à préciser. La motivation quant aux « cas de nécessité et d’urgence extraordinaire » ne se fonde pas sur des éléments spécifiques ; il est « apodictique », c’est-à dire sans preuves ou démonstration[11].

Les pratiques de « détournement du droit international de la mer », auxquelles le décret en cause fait référence, peuvent être relevées à partir des directives du Ministre de l’intérieur instituant ce que l’on appelle « la politique des ports fermés ». Il s’agit de directives demandant aux autorités en charge de la surveillance des frontières maritimes d’interdire l’entrée, le transit ou le stationnement des navires qui « exercent de façon impropre des opérations des sauvetage […], et visent à favoriser l’entrée de personnes en violation des lois sur l’immigration »[12].

Selon l’analyse des directives du ministère de l’intérieur,les ONG mettraient en place une « coopération médiatisée qui encourage le franchissement des frontières par voie maritime et favorise l’entrée irrégulier de migrants sur le territoire national »[13]. Elles opéreraient sans la coordination des autorités italiennes, dans une zone de Save And Research (SAR) qui ne serait pas sous la responsabilité de l’Italie, mais de celle de Malte ou de la Libye[14]. Par conséquence, toujours selon les directives du Ministère de l’intérieur, chaque tentative des ONG d’accoster dans un port italien, plutôt que de se diriger vers les ports de Malte, de la Libye, de la Tunisie, ou finalement des Etats dont les navires battent le pavillon, constituerait un « transfert abusif de migrants en situation irrégulière sur le territoire italien, en violation du droit international de la mer »[15].

L’entrée dans les eaux territoriales italiennes d’un bateau humanitaire, avec des personnes sauvées ou interceptées en mer dans une zone SAR de responsabilité non italienne, constitueraient selon le gouvernement italien un « passage offensif » conformément à l’art. 19, §2, g) de la Convention de Montego Bay (CMB) sur le droit de la mer, puisque « ce navire se livre à […] l’embarquement ou débarquement […] de personnes en contravention aux lois […] d’immigration de l’Etat côtier »[16].

3. Art 19, §2, g) de la Convention de Montego Bay et obligations humanitaires

Les conditions prévues par l’art. 19, §2, let. g) de la CMB figurent à l’art. 1 du décret-loi sicurezza bis. Cet art. complète l’art 11-ter du Texte Unique sur l’Immigration (TUI) en prévoyant la possibilité pour le ministre de l’intérieur de limiter ou interdire l’entrée, le transit ou le stationnement des navires dans ses eaux territoriales[17].

L’adoption d’une mesure ex art. 11-ter TUI relève, comme on le sait, de la compétence exclusive des Etats côtiers sur leurs eaux territoriales et leurs ports. L’article 21, §1, let. h) de la CMB reconnaît la compétence des Etats pour « adopter […] des lois et règlements relatifs aux passages inoffensifs dans leurs eaux territoriales, qui peuvent porter sur […] la prévention des infractions aux lois et règlements […] d’immigration des Etat côtier ».Les Etats ne sont pas obligés d’accueillir les navires battant pavillon d’un autre Etat, sauf dans des cas de force majeure[18] ou dans les hypothèses prévues par des traités bilatéraux ou multilatéraux[19]. Il s’agit d’une application spécifique du principe général selon lequel chaque Etat est libre d’admettre ou de refouler sur son propre territoire des citoyens étrangers et d’établir sa propre politique d’immigration ; comme pour la règle générale, ces règles spécifiques doivent obligatoirement se confronter aux limites posées par les droits fondamentaux.

Le Tribunal international du droit de la mer (ITLOS) a expressément établi, à partir de l’affaire Saiga n. 2, que « Considerations of humanity must apply to the Law of the Sea as they do in other areas of international law »[20]. Il a ensuite affirmé, dans l’affaire Louisa,que les Etats signataires de la CMB « are required to fulfil their obligations under international law, in particular human rights law »[21]. L’application de la CMB doit bien sûr tenir compte des droits fondamentaux, comme suggéré dans les clauses de compatibilité prévues à l’article 311 §2[22] et 293 de la CMB[23].

Ce que l’on vient de mettre en évidence signifie que chaque mesure de lutte contre l’immigration clandestine par voie maritime, impliquant l’interdiction de transit ou entrée dans les eaux territoriales conformément à l’art. 19 de la CMB, devrait également être confrontée aux dispositions du droit international humanitaire. C’est indiqué sans équivoque dans les clauses de sauvegarde du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer[24] et dans le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes[25].

Dans le cas d’espèce qu’ont motivés l’adoption du décret sicurezza bis, il faudrait notamment tenir en compte de l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer : règle de droit coutumier codifiée à l’art. 12 de la Convention de Genève sur l’haute mer du 1958[26], par l’art. 98 de la CMB, par la Convention pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SOLAS)[27] et par la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer (SAR)[28].

4. Application de l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer par les bateaux humanitaires opérant en Méditerrané centrale

L’application des obligations humanitaires prévues par la Convention SAR aux bateaux humanitaires opérant en Méditerranée centrale a été très contestée par ce que l’on appelle la « politique des ports fermés ». Comme nous l’avons relevé dans les pages précédentes, selon le gouvernement italien, l’Italie ne serait pas destinataire des obligations en cause parce que les embarcations en détresse sont repérées dans des zones SAR sous la responsabilité de Malte ou de la Lybie, par des bateaux qui exerceraient de façon abusive des activités de sauvetage[29].

La zone SAR où les embarcations en détresse sont repérées n’est pas, toutefois, un élément constitutif de l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer. L’institution des zones SAR vise principalement à coordonner les activités de recherche des Etats côtiers voisins, en prévoyant des compétences fonctionnelles pour garantir que « les capitaines des navires qui prêtent assistance en embarquant des personnes en détresse en mer soient dégagés de leurs obligations et s’écartent le moins possible de la route prévue, sans que le fait de les dégager de ces obligations ne compromettedavantage la sauvegarde de la vie humaine en mer »[30]. Les autorités responsables de la zone SAR ont la compétence pour coordonner les opérations de sauvetage et indiquer le port « le plus proche et sûr » qui, comme on verra dans les pages suivantes, ne correspond pas forcement à un port de l’Etat responsable de la zone SAR[31]. La Convention SAR se limite à préciser qu’« à moins que les Etats intéressés n’en décident autrement d’un commun accord, une Partie devrait permettre aux unités de sauvetage des autres Parties de pénétrer immédiatement dans ses eaux territoriales »[32].

Une partie de la doctrine italienne suggère, toutefois, que les obligations SAR ne s’appliquent pas aux navires des ONG puisque la notion d’« unités de sauvetage des autres Parties » ne concernerait que les navires militaires ou « publics »[33]. Cette interprétation restrictive de la notion en cause se fonde sur la pratique de l’inclusion de « clauses d’entrée » dans les accords ex art. 3.1.5 de la Convention SAR[34], qui prévoient l’admission immédiate des unités de sauvetages « publiques » de chacune parties de l’accord[35]. Les navires étrangers privés, comme ceux des ONG, ne relèveraient pas de ces accords et, par conséquent, leur navigation dans les eaux territoriales ne serait règlementée que par les dispositions sur le « passage inoffensif » décrites dans la CMB[36].

L’interprétation que l’on vient de mettre en évidence est contestable à plus d’un titre. En premier lieu, les accords ex art. 3.1.5 de la Convention SAR visent à simplifier l’admission des unités de sauvetage des Etats côtiers voisins afin d’éviter « autant que possible toute formalité »[37]; les « clauses d’entrée » ne relèvent pas de la définition d’« unité de sauvetage » en tant que telle, mais du régime d’admission que devrait être simplifié pour les unités de sauvetage. Ladéfinition d’« unité de sauvetage » donnée par la Convention SAR inclut les « autres services appropriés, publics ou privés, ou des subdivisions de ces services, qui ne peuvent être désignés comme unités de sauvetage mais [qui] sont en mesure de participer aux opérations de recherche et de sauvetage »[38].

Deuxièmement, l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer ne concerne pas seulement les « navires publics » mais bien évidement tous les navires[39]; il s’agit d’une règle de jus cogens à laquelle aucune dérogation n’est permise[40]. Cela signifie que les navires « privés » ou battant pavillon de pays non voisins et qui « n’en auraient décidé autrement d’un commun accord » devraient accomplir l’ensemble des formalités nécessaires à l’entrée dans les eaux territoriales de l’Etat côtier, selon les dispositions sur le « passage inoffensif » de la CMB ; par contre, le régime de navigation dans les eaux territoriales serait également règlementé par les dispositions de la Convention SAR et SOLAS, dans la mesure où les navires concernés auraient participé aux opérations de recherche et de sauvetage.

A la lumière de ce qui précède, il semble suffisamment clair que le fait d’opérer dans une zone SAR autre que celle de la responsabilité de l’Etat côtier ou d’être un « navire privé » n’est pas de nature à qualifier une entrée dans les eaux territoriales en « passage offensive » conformément à l’art. 19, §2, g) de la CMB. Il demeure primordial de mettre en sécurité les personnes secourues et l’obligation des Parties concernées de « prendre les dispositions nécessaires pour que le débarquement [des personnes secourues] ait lieu dans les meilleurs délais raisonnablement possibles »[41].

5. Obligation dedébarquement dans les meilleurs délais raisonnablement possibles

L’obligation de « prendre les dispositions nécessaires pour que le débarquement [des personnes secourues] ait lieu dans les meilleurs délais raisonnablement possibles » implique que l’Etat qui a reçu la demande de débarquement doive tout de suite « entreprendre le processus d’identification du ou des lieux les plus appropriés pour débarquer les personnes trouvées en détresse en mer, puis en informe le ou les navires et les autres parties concernées »[42].

Les parties concernées sont « les Etats du pavillon et les Etats côtiers [qui] devraient prendre desdispositions efficaces pour prêter sans tarder leur concours aux capitaines et les libérer de leurs obligations à l’égard des personnes récupérées en mer par des navires »[43].

Le critère d’identification du ou des lieux les plus appropriés pour débarquer les personnes trouvées en détresse en mer est, comme on le sait, celui du « lieu sûr »[44]. Ce dernier est seulement mentionné par la Convention SAR ; la définition précise est fournie que par l’Organisation Maritime Internationale (OMI), selon laquelle« un lieu sûr est un emplacement où les opérations de sauvetage sont censé[e]s prendre fin. C’est aussi un endroit où la vie des personnes secouruesn’est plus menacée et où l’on peut subvenir à leurs besoins fondamentaux (tels que la fourniture de vivres, d’un abri etde soins médicaux). De plus, c’est un endroit à partir duquel peut s’organiser le transport des personnes secouruesvers leur prochaine destination ou leur destination finale »[45]. Comme l’a remarqué l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), la notion de « sûreté » va donc au-delà de la simple protection du danger physique et prend également en compte la perspective des droits fondamentaux sur le lieu de débarquement proposé[46].

Dans la pratique, cela veut dire que le gouvernement responsable doit « traiter chaque situation au cas par cas »[47] et que le port de débarquement n’est pas nécessairement le port le plus proche. En réalité, le « critère de proximité » n’est aucunement mentionné dans les lignes directrices de l’OMI ; par contre, l’OMI indique que le choix du port de destination est fait normalement par le « gouvernement responsable, qui doit en décider avec le capitaine du navire »[48].

L’opinion du capitaine du navire apparait essentielle, qu’il s’agisse d’un navire commercial ou d’un bateau humanitaire. Dans le cas d’un navire commercial, pour lequel tout déroutement coûte chère, un « lieu sûr » peut être le prochain port d’escale prévu du navire[49] ; dans les cas des bateaux humanitaires, il peut relever la compétence du capitaine « de veiller à ce que les survivants ne soient pas débarqués en un lieu oùleur sécurité serait compromise »[50]. Il est donc légitime, sur la base de cette compétence attribuée aux capitaines des bateaux humanitaires, que ces derniers refusent de se diriger vers les ports de la Libye (parce qu’ils ne sont pas considérés comme des « lieux sûrs »), de la Tunisie (parce le pays n’a jamaisadopté de législation sur les réfugiés), ou de l’Etat de leur pavillon (possiblement excessivement éloigné pour garantir un débarquement rapide des personnes sauvées).

En cas d’absence d’accord entre les parties concernées sur un « lieu sûr », en principe, un gouvernement qui a reçu une demande de débarquement de personnes sauvées en mer ne devrait pas pouvoir pas faire patienter les navires concernés en mer. L’OMI précise qu’ « un navire prêtant assistance ne devrait pas être considéré comme un lieu sûr, du seul fait que les survivants, une fois qu’ils se trouvent à bord du navire, ne sont plus en danger immédiat. Il se peut qu’un navire prêtant assistance ne dispose pas des installations et du matériel appropriés pour accueillir des personnes supplémentaires à bord sans mettre sa propre sécurité en péril ou pour s’occuper correctement des survivants. Même si le navire a la possibilité d’héberger les survivants en toute sécurité et peut faire office de lieu sûr provisoire, on devrait le dégager de cette responsabilité dès que d’autres dispositions peuvent être prises »[51].

La première urgence est de débarquer les personnes et de libérer le navire, comme il est bien établipar l’OMI : « les gouvernements et le RCC [Rescue Coordination Center] responsables devraient tout mettre en œuvre pour réduire au maximum la durée du séjour des personnes secourues à bord du navire prêtant assistance. Les autorités gouvernementales responsables devraient tout mettre en œuvre pour que les personnes secourues qui se trouvent à bord du navire soient débarquées le plus rapidement possible »[52].

En cas de conflit, s’il n’aurait pas été possible de trouver un accord entre les parties concernées, prime l’obligation d’assistance et de secours, comme le confirme la suspension de l’interdiction d’entrée ex art. 11-ter TUI pour le bateau Open Arms adoptée par le Tribunal administratif de la Regione Lazio le 14 août 2019 ; dans le cas d’espèce, les juges administratifs italiens ont évalué qu’une situation de détresse d’un navire est apparemment en contradiction avec la définition de « passage offensif » conformément à l’art. 19, §2 CMB[53].

6. Conclusions : application erronée du droit de la mer et violation des obligations humanitaires

A la lumière de ce qui précède, une mesure d’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales conformément à l’art. 19, §2, let. g) de la CMB ne devrait pas être pas applicable dans les cas de figure qui ont motivé l’adoption d’urgence du décret-loi sicurezza bis. C’est à dire le cas d’ONG qui ont sauvé des personnes dans la zone SAR de Malte ou de la Libye, qui n’ont pas reçu l’autorisation à accoster à Malte ou qui se refusent de se diriger vers les ports de la Libye ou de l’Etat du pavillon.

Comme expliqué précédemment, en premier lieu, le fait d’agir dans la zone SAR de Malte ou de la Lybie n’affecte pas les obligations humanitaires posées par la Convention SAR. Les autorités italiennes sont obligées de prendre charge des demandes d’assistance qui lui sont adressées, en trouvant une solution rapide pour le débarquement des personnes sauvées en mer.

En second lieu, les Etats ne peuvent pas justifier l’éventuel non-respect de leurs obligations humanitaires en prétextant la violation du droit par un autre Etat. En effet, le principe de réciprocité ne s’applique pas aux traités relatifs aux droits de l’homme et au droit humanitaire[54]. Par conséquent, l’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales aux bateaux qui ont récupéré des personnes en mer et qui demandent l’autorisation à les débarquer ne pourrait pas être fondée sur le refus de l’Etat côtier voisin, éventuellement responsable de l’assistance et du secours.

Enfin, le refus persistant d’un capitaine de se diriger vers les ports de Libyeou de l’Etat de son pavillon se fonde sur la compétence attribuée au capitaine du navire de pouvoir définir le port le plus facile à atteindre en fonction de sa route prévue et de l’obligation à « veiller à ce que les personnes secourues ne soient pas débarqués en un lieu oùleur sécurité serait compromise ». L’exercice de telles prérogatives par les capitaines des navires (commerciaux ou humanitaires) n’est pas de nature à transformer ces opérations de sauvetage en « passage offensifs » conformément à l’art. 19, §2 CMB.

De facto et de jure, donc, les autorités italiennes sont obligées d’accorder une autorisation aux bateaux humanitaires pour débarquer les personnes sauvées en mer dans tous les cas où elles ont reçu une demande d’autorisation de débarquement, et où il n’aurait pas été possible de trouver un accord entre les autres parties concernées.Ensuite, les autorités italiennes pourraient, si elles le jugent utile, saisir, au choix, le Tribunal international du droit de la mer, la Cour internationale de Justice, ou demander l’arbitrage ou l’arbitrage spécial contre les Etats qui ont refusé l’autorisation d’accoster ou de proposer un lieu sûr pour le débarquement ; agir en justice contre le capitaine du navire, en vérifiant si le refus de se diriger vers d’autres ports était effectivement fondé.

Les capitaines des navires humanitaires qui ont finalement accosté dans les ports italiens ont tous fait l’objet de poursuites pour association de malfaiteurs en vue de favoriser l’immigration clandestine. La justice italienne a toutefois systématiquement reconnu que les capitaines de navires humanitaires poursuivis n’ont pas violé les dispositions du droit de la mer en favorisant l’immigration clandestine, étant donné que la Libye n’est effectivement pas un lieu sûr et que Malte refuse systématiquement de proposer un port de débarquement[55] ; les juges italiens ont donc annulé la mise sous séquestre de chacun des navires humanitaires[56].

En conclusion, le décret-loi sicurezza bis semble se fonder sur une « urgence et nécessité extraordinaire » ( la prétendue violation du droit de la mer par les ONG ) que ne trouve aucun fondement dans la pratique, comme l’a confirmé la justice italienne.

De manière générale, il semble très difficile de soutenir qu’en l’état actuel il y a une situation d’ « urgence extraordinaire » par rapport au phénomène migratoire si l’on considère la diminution spectaculaire des débarquements de migrants sur les côtes italiennes au cours de ces deux derniers années[57] ; le nombre de demandeurs de protection internationale, qui est dans un rapport de 2 requérants pour 1000 habitants[58] ; des statistiques sur les crimes qui placent l’Italie parmi les pays le plus sûr d’Europe[59] ; et finalement du nombre restreint de débarquements de personnes sauvées en mer par les bateaux humanitaires, qui ne représentent qu’à peine le 8% du total de migrants arrivés par voie maritime[60].

S’il y a une « urgence extraordinaire », elle concerne plutôt les 576 morts recensés en Méditerranée centrale du 1er janvier au le 5 août 2019, qui viennent s’ajouter aux 14 768 morts de la période 2014-18[61]. A partir de l’institution de ce que on l’appelle la « politique des ports fermés » le rapport entre départs et personnes mortes en mer est dramatiquement changé : en 2018 un personne décédait en mer pour 29 départs ; en 2019 le rapport est de 1 décès pour 6 départs[62].

Comme argumenté par l’Assemblée générale des Nations unies « la réticence de certains États côtiers à autoriser le débarquement des personnes sauvées en mer ou l’imposition de conditions préalables au débarquement ou de sanctions aux compagnies maritimes peut porter atteinte au caractère absolu du régime de recherche et de sauvetage. Elle peut aussi porter atteinte à la protection dont ont besoin les demandeurs d’asile et les réfugiés qui peuvent se trouver parmi les rescapés et aboutir au refoulement »[63].

L’adoption du décret-loi sicurezza bis et des mesures d’interdictions d’entrée dans les eaux territoriales aux bateaux humanitaires semble « codifier » une pratique dénoncée par les institutions internationales depuis des années, qui s’inscrit dans un cadre dramatique où les Etats européens se sont pratiquement désengagés des efforts de sauvetage en Méditerranée centrale[64]. Il s’agissait d’une pratique qui, même si limitée par la justice ordinaire au cas par cas, représente une grave violation de l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer, du fait de la gravité du phénomène et de ses conséquences.

 

Auteurs

Antonio Di Marco, Docteur en droit des Universités Alma Mater de Bologne, de Strasbourg et de Catane

Pour citer cet article

Antonio Di Marco, « Interdiction d’entrée dans les eaux territoriales pour les bateaux humanitaires : le cas du décret-loi italien sicurezza bis », EEurope des droits & libertés/Europe of Rights & Liberties, mars 2020/1, pp. 163-175.

La tendance à envisager le migrant irrégulier en tant que « risque sécuritaire » remonte en réalité à la fin des années 1970. Elle s’est imposée toutefois comme un des critères fondamentaux des politiques migratoires des pays européens à partir des années 1990. Sur ce que l’on appelle « sécurisation de l’immigration » la bibliographie est très vaste ; voy. qu’à titre d’exemple : I. Atak, J.C. Simenon, The criminalization of Migration, Montreal, 2018 ; G. Gatta, « La criminalizzazione della ‘clandestinità fra scelte nazionali e contesto europeo », in Rivista Italiana di Diritto e Procedura Penale, 2015 (1), pp. 188 ss ; A. Di Stasi, L. Kalb (dir.), La gestione dei flussi migratori tra esigenze di ordine pubblico sicurezza interna ed integrazione europea, Napoli, 2013, pp. 135-159; E. Jimenez, F. Crépeau (dir.), La criminalisation de l’immigration, Montréal, 2013; D. Duez, L’Union européenne et l’immigration clandestine, de la sécurité intérieure à la construction de la communauté politique, Bruxelles, 2008; J. Huysmans, The Politics of Insecurity: Fear, migration and Asylium in the EU, London, 2006; J. Huysmans, « The European Union and the Securitization of Migration », in Journal of Common Market Studies, 2000 (5), pp. 751-777.

D.Lgs, 14 giugno 2019, n. 53, « Disposizioni urgenti in materia di ordine e sicurezza pubblica », GU n. 138, (ci-dessous « decreto sicurezza bis »).

Ce décret-loi fait suite à ce que l’on appelle« decreto sicurezza », concernant principalement les statuts de la protection internationale (D.Lgs, 4 ottobre 2018, n. 113, « Disposizioni urgenti in materia di protezione internazionale e immigrazione, sicurezza pubblica, nonché misure per la funzionalità del Ministero dell’interno e l’organizzazione e il funzionamento dell’Agenzia nazionale per l’amministrazione e la destinazione dei beni sequestrate e confiscati alla criminalità organizzata», GU n. 231. Ce décret a été converti en loile 1 décembre 2018. Voy. GU n. 281, p. 1.

C’est le cas, par exemple : du navire de l’ONG Proactiva Open-Arms, placé sous séquestre le 18 mars 2018 à la suite d’une opération de secours ; de le Mare Jonio, un navire de l’ONG Mediterranea Saving Humans ayant secouru 49 migrants, bloqué au large de Lampedusa, et mis sous séquestre le 21 mars 2019 ; du navire Sea-Watch 3, placé sous séquestre après avoir accosté au port de Lampedusa dans la nuit du 28 au 29 juin 2019, dont le capitaine, Carola Rackete, a été arrêtée pour aide à l’immigration clandestine, puis libérée par la justice italienne. Sur le cas de le navire Open-Arms voy.  F. De Vittor, «Soccorso in mare e favoreggiamento dell’immigrazione irregolare: sequestro e dissequestro della naveOpen Arms », in Diritti umani e diritto internazionale, 2018 (2), pp. 209-454.

C’est le cas, par exemple, du navire des garde-côtes italiens Diciotti, que après cinq jours d’errance au large de Lampedusa, accoste au port de Catane le 20 août 2018 selon les indications du ministère des Transports ; le ministre de l’intérieur, toutefois, n’autorise pas le navire à débarquer les 177 migrants, qui restent bloqués jusqu’au 26 août. C’est le cas aussi du navire des garde-côtes italiens « Gregoretti », pour lequel le ministre de l’intérieur n’a pas autorisé le débarquement de 135 migrants sauvés le 26 juillet 2019 et qui sont restés bloquée à bord jusqu’au 31 juillet.

Voy. United Nation, Office of the High Commissioner of Human Rights, « UN experts condemn criminalisation of migrant rescues and threats to the independence of judiciary », UN Press Release, Geneva, 18th July 2019, p. 1 (contenu disponible uniquement en anglais – traduction en français par l’auteur).

Decreto sicurezza bis, cit., p. 1.

Sur l’adoption des décret-loi Minniti et Sicurezza voy. : A. Del Guercio, « Dal decreto Minniti-Orlando al decreto Salvini : decretazione d’urgenza, securitizzazione della politica d’asilo e compressione dei diritti fondamentali. Quando la legge genera vulnerabilità », in A. d’Angiò, M. Visconti, Persone fragili. La vita psichica dei migranti forzati tra cura ed esclusione, Napoli, 2019, pp. 49-94.

Plusieurs auteurs de droit interne affirment que, sur la base du « risque migratoire », les derniers gouvernements italiens ont établit un « état permanent d’urgence et nécessité extraordinaire », en assumant un rôle prépondérant dans la règlementation du phénomène migratoire de nature à marginaliser de facto le Parlement. Il s’agirait d’une violation du principe de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté populaire, qui résulte du non-respect des critères fondamentaux pour justifier une dérogation au monopole législatif du Parlement, c’est-à dire : l’« urgence et la nécessité extraordinaire » et l’« homogénéité de l’acte d’urgence ». Sur ce point, en plus de la doctrine précitée, voy. S. Curreri, « Prime considerazioni sui profili d’incostituzionalità del decreto legge n. 113/2018 », in Federalismi.it, 2018, fasc. XXII, pp. 2-3; M. Ruotolo, « Brevi note sui possibili vizi formali e sostanziali del d.l. n. 113 del 2018 », in Osservatorio costituzionale, 2018 (3), pp. 1 ss.; N. Tomeo, « I presupposti costituzionali per l’approvazione del decreto-legge n. 113/2018 », in Immigrazione 2018 (132), pp. 1-2.

Decreto sicurezza bis, cit., p. 1.

Il convient de noter que la Cour constitutionnelle italienne a établi que « l’utilisation du décret-loi ne peut pas se fonder sur un énoncé apodictique pour les cas de nécessité ou d’urgence extraordinaire » (voy. Corte costituzionale, sent. n. 171 del 2007, traduction de l’auteur).

Direttiva 18 marzo 2019, Per il coordinamento unificato dell’attività di sorveglianza delle frontiere marittime e per il contrasto all’immigrazione illegale ex articolo 11 del d.lgs. n. 286/1998 recante il Testo Unico in materia di Immigrazione, p. 8.

Direttiva 15 aprile 2019 ex articolo 11 del d.lgs. n. 286/1998 recante il TUI, Controllo sulla Mare Ionio, p. 2.

Voy. : Direttiva Intervento dell’assetto « Alan Kurdi » (ONG Sea Eye) iniziato in 3 aprile 2019, cit., p. 2 ; Direttiva Intervento di Sea Watch 3 del 15 maggio 2019 in area SAR libica, p. 2.

Voy. Direttiva Intervento dell’assetto « Alan Kurdi » (ONG Sea Eye) iniziato in 3 aprile 2019, cit., p. 3 ; Direttiva Intervento di Sea Watch 3 del 15 maggio 2019 in area SAR libica, cit. p. 2.

Voy. l’art. 19 de la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 (United Nations – Treaty Series Nations Unies – Recueil des Traités, 1994, Vol 1834, pp. 1-31363).

Le décret sicurezza bis innove par rapport au cadre juridique précèdent en permettant au ministre de l’intérieur d’intervenir directement dans la gestion des navires qui participent aux opérations de sauvetage/interception en mer ; avant l’adoption du décret en cause, le Ministre de l’intérieur pouvait indiquer dans quel port débarquer les migrants, afin de faciliter les opération d’identification, mais il ne pouvait pas décider « si » les navires pouvaient accoster un port. Pour l’adoption de la mesure ex art. 11 ter TUI il faut avoir, dans tous les cas, l’accord du Ministre de la défense et du Ministre des Transports. Sur le point voy. M. Magri, « Obbligo di soccorso in mare, funzioni della Guardia costiera e respingimenti “delegati”: sui poteri del Ministro dell’interno », in Istituzioni del Federalismo, 2019 (1), pp. 149-180.

Voy. R. Churchill, V. Lowe, The Law of the Sea, Manchester University Press, 1999, p. 63 ss.

Voy. S. Carbone, F. Munari, La disciplina dei porti tra diritto comunitario e diritto interno, Giuffré, Milano, 2006, p. 26 ss. ; L. Tullio, Codice della navigazione con le principali leggi complementari e convenzioni internazionali, Giuffré, Milano, 2012, p. 475 ss.

ITLOS, 1° July 1999, M/V SAIGA (No. 2), in ITLOS Reports, 1999, 62; ITLOS 18 December 2014, Juno Trader, in ITLOS Reports, 2014, 38-39.

ITLOS, 28 May 2013, M/V Louisa, in ITLOS Reports, 2013, 46.

L’article 311, §2 de la CMB établit que « La Convention ne modifie en rien les droits et obligations des Etats Parties qui découlent d’autres traités compatibles avec elle, et qui ne portent atteinte ni à la jouissance par les autres Etats Parties des droits qu’ils tiennent de la Convention, ni à l’exécution de leurs obligations découlant de celle-ci ». Sur le point voy., par exemple, T. Treves, « Human Rights and the Law of the Sea », in Berkeley J. Int‟l L., 2010, p. 6.

Selon l’article 293 de la CMB « une cour ou un tribunal ayant compétence en vertu de la présente section applique les dispositions de la Convention et les autres règles du droit international qui ne sont pas incompatibles avec celle-ci ». Sur les rapports entre droit de la mer et droits fondamentaux voy., par exemple, B.H. Oxman, « Human Rights and the United Nations Convention on the Law of the Sea », in Colum. J. Transnat. L., 1998, p. 399 ss.; B. Vukas, « Droit de la mer et droits de l’homme », in G. Cataldi (dir.), La Méditerranée et le droit de la mer à l’aube du 21  Siècle, Bruxelles, 2002, p. 85 ss.; I. Papanicolopulu, « International Judges and the Protection of Human Rights at Sea », in N. Boschiero, T. Scovazzi, c. Pitea, c. Ragni (dir.), International Courts and the Development of International Law. Essays in Honour of Tullio Treves, The Hague, 2013, p. 535 ss.

Voy. l’art. 19 du Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000, RTNU, Vol. 2241, p. 519.

Voy. l’art. 14 du Protocole additionnel à la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants du 15 novembre 2000, RTNU, Vol. 2237, p. 319.

Faite à Genève le 29 avril 1958. Entrée en vigueur le 30 septembre 1962. Nations Unies, RTNU, vol. 450, p. 82.

Convention internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer, 11 janvier 1974, RTNU, Vol. 1184, p. 277 (Chapitre V, Règle 10 A).

Convention Internationale sur la Recherche et le Sauvetage maritime, 29 avril 1979, RTNU, Vol. 1405, p. 134, point 3.1.9. Sur les conventions SOLAS et SAR voy. A. c. Velasco, « The International Convention on Maritime search and rescue: legal mechanisms of responsibility sharing and cooperation in the context of sea migration », in The Irish Yearbook International Law, 2015, p. 57 ss.; R. Button, « International law and Search and Rescue, in J. Schildknecht, R. Deckey, M. Fink, L. Ferris (dir.), Operational Law in International Straits and current maritime security challenges », 2018, p. 107 ss.

Voy les directives du ministère de l’intérieur citées aux notes 12-15.

Convention SAR, cit., art. 3.1.9.

Sur le point, en plus de la bibliographie mentionnée à la note 28, voy. F. V. Paleologo, « Gli obblighi di soccorso in mare nel diritto internazionale e nell’ordinamento interno », in Questione Giustizia, 2/2018, p. 215 ss..

Convention SAR, cit., art. 3.1.2.

G. Paccione, « Quadro giuridico e ruolo delle navi ONG nelle operazioni di soccorso in mare », in Diritto.it, 2017, p. 12.

« Les Parties devraient conclure avec les Etats voisins des accords spécifiant les conditions d’admission réciproque des unités de sauvetage dans les limites ou au-dessus de leurs eaux territoriales ou de leur territoire. Ces accords devraient également prévoir des dispositions visant à accorder l’admission de ces unités en évitant autant que possible toute formalité ».

C’est le cas, par exemple, de l’accord entre l’Italie et la Slovénie sur le SRR et la coordination sur les opérations de secours et recherche, para 2.14 (le texte de l’accord est contenu dans le Global SAR PLAN, disponible sur le site www.imo.org) [dernière consultation le 15 mars 2020].

G. Paccione, « Quadro giuridico e ruolo delle navi ONG nelle operazioni di soccorso in mare », cit., p. 12.

Voy la note 34.

Convention SAR, cit., art. 2.4.1.

Voy. M. Sormani, « Obbligo di soccorso in mare, evoluzione degli assetti navali nel mare mediterraneo e ruolo delle ONG », in Rivista di Diritto dell’Economia, dei Trasporti e dell’Ambiente, 2019, p. 85 ss.

Voy. U. Leanza, F. Graziani, « Poteri di enforcement e di jurisdiction in materia di traffico di migranti via mare: aspetti operativi nell’attività di contrasto », in La Comunità Internazionale, 2/2014, p. 163 ss.

Convention SAR, cit., point 3.1.9.

Ibid., point 4.8.5.

Voy. Organisation maritime internationale (OMI), Directives sur le traitement des personnes secourues en mer, 20 mai 2004, annexe 34, point 3 §1.

Convention SAR, cit., point 1.3.2.

OMI, Directives sur le traitement des personnes secourues en mer, cit., point 6 §12.

APCE, rés.1821 (2011), L’interception et le sauvetage en mer de demandeurs d’asile, de réfugiés et de migrants en situation irrégulière, 21 juin 2011, point 9.5.

OMI, Directives sur le traitement des personnes secourues en mer, cit., point 2.6.

Ibid., point 6.10.

Ce cas de figure explique comme la notion de « port le plus proche » ne devrait pas être considérée au sens géographique ; c’est plutôt le port le plus facile à atteindre. Sur le point on peut relever quel’art. 1-1 de la règle V/33 de la Convention SOLAS et le point 3.1.9 de la Convention SAR imposent aux Gouvernements l’obligation de coordonner et coopérer pour veiller à ce que les capitaines de navires qui prêtent assistance en embarquant des personnes en détresse en mer soient dégagés de leurs obligations et s’écartent le moins possible de la route prévue.

OMI, Directives sur le traitement des personnes secourues en mer, cit., point 5.1.6.

Ibid., point 6.13.

Ibid., points 6.8-6.9.

Voy. Tribunale Amministrativo regionale per il Lazio, 14 agosto 2019, Pro – Activia Open Arms c. Ministro dell’interno, p. 2.

Sur ce point il suffit de rappeler l’art. 60§ 5 de la Convention de Vienne de 1969, selon lequel « les paragraphes 1 à 3 ne s’appliquent pas aux dispositions relatives à la protection de la personne humaine contenues dans des traités à caractère humanitaire, notamment aux dispositions excluant toute forme de représailles à l’égard des personnes protégées par lesdits traités ».

En ce qui concerne Malte, il convient de rappeler que La Valette n’a pas ratifié les amendements de 2004 de la Convention SAR qui obligent l’Etat responsable de la zone SAR à indiquer un lieu sûr pour le débarquement. Cela a été pris en compte, par exemple, dans le cas du navire de l’ONG Proactiva Open-Arms, où l’accusation faisait valoir que le capitaine n’avait même pas demandé l’autorisation au débarquement à Malte. Le juge italien a évalué l’incertitude juridique des obligations SAR de Malte et l’absence de disponibilité effective de la part de La Valette de possibilité d’accueil des personnes sauvées en mer, notamment pour l’aide d’urgence à une femme enceinte et un nouveau-né de trois mois. Voy. Tribunale di Ragusa, ufficio del giudice per le indagini preliminari, decreto di rigetto di richiesta di sequestro preventivo, 16 avril 2018, p. 16.

C’est le cas, par exemple : du navire de l’ONG Proactiva Open-Arms, placé sous séquestre le 18 mars 2018 et restitué le 16 avril 2018 ; du navire Mare Jonio, mis sous séquestre le 21 mars 2019 et restitué le 2 août 2019 ; du navire Sea-Watch 3, placé sous séquestre le 18 mai 2018, restitué le 1 juin 2019 et remis à nouveau sous séquestre le 28 juin 2019.Il convient également de relever, que si la mesure d’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales ex 19, §2, let. g) de la CMB est sans fondement dans les cas cités dans cet article, aussi les sanctions liées à celui-ci par l’art. 2 du décret sicurezza bis ne sauraient pas être appliquées.

Du 1er janvier 2019 au 2 août 2019, 3 896 migrants ont débarqué sur les côtes italiennes. En 2018, le nombre des arrivés a été de 23 330. En 2017, le nombre de migrants qui ont accostés les ports italiens a été de 119 369. Au cours de ces deux dernières années les débarquements des migrants ont radicalement diminué (-95,91%). Voy. les statistiques publiées par le Ministère de l’intérieur italien [dernière consultation le 15 mars 2020].

L’Italie compte environ 131 000 demandeurs protection internationale. Voy. les statistiques publiées par le Ministère de l’intérieur italien à l’adresse suivante : http://www.interno.gov.it/sites/default/files/cruscotto_statistico_giornaliero_02-08-2019.pdf(consulté le 4 août 2019).

Les statistiques publiées par le Ministère de l’intérieur italien montrent une diminution sensible des crimes. Voy. l’élaboration des statistiques du Ministère de l’intérieur dans le 1° Rapporto sulla Filiera della Sicurezza in Italia, 2018, Censis, pp. 7-13.

Dans la première partie de 2019, les ONG ont débarqué 248 migrants sur les côtes italiennes, sur un total de 3 896 migrants arrivés dans les ports italiens sur la même période. Voy. les statistiques des gardes côtes italiens, élaborés par Marco Villa, chercheur de l’ Istituto per gli Studi di politica internazionale [dernière consultation le 15 mars 2015].

Sur l’élaboration des statistiques voy., par exemple, les données fournies par Amnstey International Italy [dernière consultation le 15 mars 2020].

Sur l’élaboration des statistiques voy., par exemple, les données fournies par Amnstey International Italy à l’adresse suivant : https://www.amnesty.it/giornata-mondiale-rifugiato-strage-mediterraneo/ [dernière consultation le 15 mars 2020].

Voy. Le Rapport du Secrétaire général présenté aux États parties conformément à l’article 319, pour information, sur les questions de caractère général intéressant les États parties et ayant surgi à propos de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, 21 octobre 2005, Doc off AG NU, 61e sess, Doc NU A/61/63 (2006), para 84.

Sur le point voy. UNHCR concerned at new measures impacting rescue at sea in the Central Mediterranean, Communiqué du 6 août 2019 [dernière consultation le 15 mars 2020].

Cet article s’interroge sur l’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales pour les bateaux qui participent au sauvetage de personnes en détresse en mer. Il analyse notamment la possibilité d’interdire l’entrée aux bateaux humanitaire opérant en Méditerranée centrale, prévue par le décret-loi italien sicurezza bis. Cette étude identifie, tout d’abord, les dispositions de droit international sur lesquelles repose l’interdiction d’entrée dans les eaux territoriales. Ensuite, elle relève les obligations humanitaires auxquelles l’interdiction d’entrée doit se confronter, en vérifiant leur mise en balance dans les cas pratiques des bateaux humanitaires opérant en Méditerranée centrale.


ABSTRACT
This article focuses on the prohibition on boats entering territorial waters for the purpose of rescuing persons in distress at sea. In particular, it analyses the prohibition on the entry of humanitarian boats operating in the central Mediterranean as contained in the Italian decree sicurezza bis. The article first analyses the international basis for the ban and, secondly, it identifies the humanitarian obligations that confront the entry ban with particular reference to cases involving humanitarian boats operating in the central Mediterranean.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • 1. « Sécurisation de l’immigration » et droit de la mer: le cas problématique du décret sicurezza bis
    • 2. « Urgence et nécessité extraordinaire » à la base du décret sicurezza bis
      • 3. Art 19, §2, g) de la Convention de Montego Bay et obligations humanitaires
        • 4. Application de l’obligation de prêter assistance aux personnes sauvées en mer par les bateaux humanitaires opérant en Méditerrané centrale
          • 5. Obligation de débarquement dans les meilleurs délais raisonnablement possibles
            • 6. Conclusions: application erronée du droit de la mer et violation des obligations humanitaires