Plaidoyer pour un meilleur accueil par la Cour européenne des droits de l’homme des requêtes fondées sur le défaut d’accessibilité

Tharaud Delphine

Le mantra de la Cour de Strasbourg est bien connu des spécialistes de protection européenne des droits de l’Homme : La Cour protège « des droits non pas théoriques ou illusoires, mais concrets et effectifs »[1]. Or, lorsqu’il est question de l’accessibilité pour les personnes présentant un handicap, c’est-à-dire littéralement la possibilité d’accéder à un lieu ou un service, il n’est pas difficile d’identifier l’aura de l’effectivité des droits. Dès lors, le juriste, mais également le citoyen, s’attend assez naturellement à un déploiement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (« Cour EDH » ou « Cour ») en faveur de la protection de l’accessibilité, sans laquelle les personnes handicapées ne peuvent être considérées que comme des citoyens de seconde zone.

L’enjeu est d’autant plus essentiel que le défaut d’accessibilité offre un double niveau de potentielle rupture égalitaire. Initialement, elle relève d’une question de prise en compte de la différence objective et de la nécessité de la « disparition des frontières architecturales »[2] afin de réaliser une égalité en pratique[3]. Mais elle trouve un relai subjectif dans le fait que le refus de la mise en place de telles mesures conduit à considérer l’inégalité comme provenant d’une discrimination. Autrement dit, le désintérêt montré concernant les mesures d’accessibilité relève de la méconnaissance ou du mépris envers la situation des personnes présentant un handicap et constitue donc un biais social. Cet enchevêtrement de perspectives, qui participe à la mutation du principe d’égalité[4] vers plus d’effectivité, laisse une place prépondérante à la norme juridique, laissant la norme sociale au second plan. En effet, c’est la législation qui doit permettre, par la contrainte et la sanction au besoin, la mise en place d’un environnement accessible à tous les citoyens. Ainsi, la France s’est dotée de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui « portait la promesse d’une transformation majeure de la société »[5]. L’accessibilité aux lieux, aux espaces publics et aux prestations prenait une place importante parmi les grands principes alors initiés. Cependant, comme souvent en matière de recherche d’égalité réelle, la frustration face à la lenteur des améliorations effectuées ou leur caractère limité s’est substituée à l’espoir initialement généré[6]. Parmi les éléments pouvant expliquer ces difficultés, la diversité des handicaps et les déclinaisons que doit connaître l’accessibilité pour y répondre efficacement ont une part importante. Ainsi, pour ne prendre que l’exemple des personnes à mobilité réduite parmi tous les handicaps appelant à des aménagements[7], l’accessibilité à un poste de travail comprend l’accès au bâtiment (parking ou transport en commun accessible, rampe d’accès et ouverture de porte adaptée), les déplacements au sein du bâtiment (portes suffisamment larges, ascenseur permettant d’accueillir un fauteuil roulant), l’accès aux services et lieux utiles (accès aux lieux de pause, de prise des repas, aux toilettes ou autres bureaux du service) et bien évidemment un poste de travail adapté.

Malgré ces difficultés, la Cour, armée de l’étendard de la quête d’effectivité des droits, d’une jurisprudence active où la différence de situation doit conduire à la différence de traitement pour une pleine égalité[8] et d’une dynamique de l’accès (à l’avocat, au juge, à une prestation sociale) apparaît logiquement comme la locomotive de la garantie de l’accessibilité.

Sans maintenir le suspens inutilement, il nous faut démentir cette impression pourtant logique. La jurisprudence concernant le handicap dans son ensemble semble volontariste, mais elle s’avère bien plus étriquée lorsque la question porte sur l’accessibilité. Comble du paradoxe, la protection de l’accessibilité bloque souvent sur l’accès à la Cour. En effet, ces dernières années, le cap essentiel à franchir par les personnes handicapées est celui de la recevabilité de leur requête et la jurisprudence s’étoffe essentiellement par des décisions d’irrecevabilité successives. Ainsi, malgré une affirmation extrêmement énergique de grands principes protecteurs (Partie I), ceux-ci se trouvent étouffés au stade la recevabilité de la requête (Partie II).

Partie I – L’énergique affirmation de principes protecteurs

Sur le plan des principes théoriques, l’accessibilité recèle une double dynamique qui démontre que la Cour est consciente des enjeux pour les personnes présentant un handicap. Tout d’abord, l’accessibilité relève d’une problématique essentielle d’égalité entre les personnes en situation de handicap et celles qui ne le sont pas (A). Ensuite, au-delà de la seule comparaison des situations, l’enjeu de l’accessibilité est l’accès à la Cité et au développement des relations dans un contexte personnel. Elle doit donc être considérée comme un enjeu social crucial (B).

A. L’accessibilité, pilier égalitaire

L’accessibilité suppose l’adaptation pratique de l’accès à des lieux ou services. Celle-ci bénéficie de l’appui complet du principe d’égalité. Il s’agit ainsi qu’une adaptation qui doit être effectuée à différents niveaux, individuel et catégoriel, (1) et qui s’adosse à la protection offerte par la clause d’interdiction des discriminations (2).

1. Une protection individuelle et catégorielle

L’accessibilité constitue le point nodal de la question du handicap. C’est sa concrétisation qui permet l’effectivité de l’exercice de leurs droits par les personnes concernées. C’est par l’accessibilité que débute la protection et la garantie des droits. Le fil d’Ariane utilisé afin de permettre l’évolution de la prise en compte des différences nécessitant une action est celle de l’égalité. En effet, les barrières architecturales qui s’imposent aux personnes présentant un handicap créent une différence qui relève de l’inégalité factuelle lorsqu’elles ne sont pas prises en compte. Celle-ci peut aussi bien s’exprimer en matière de service public qu’en matière de logement, de travail ou encore d’instruction. La recherche de l’accessibilité emprunte alors le chemin de la mécanique égalitaire. La Cour précise bien à cet égard que la différence doit être prise en compte à plusieurs niveaux : catégoriel et individuel. Sur le plan catégoriel, il s’agit d’une accessibilité que l’on pourrait définir comme classique au sens où il s’agit de réagir à une forme de handicap répandue (construire une rampe d’accès pour les personnes à mobilités réduites, utiliser les avertisseurs sonores pour les personnes aveugles…). Sur le plan individuel, il faut tenir compte des spécificités présentées par une personne ou par une situation[9]. Cela suppose une forme d’adaptation plus précise généralement appelée aménagement raisonnable. La Cour rappelle fréquemment qu’une protection efficiente doit tenir compte de l’ensemble de ces niveaux d’adaptation[10]. De ce point de vue, c’est le droit à l’instruction et l’accès à des formations artistiques ou universitaires qui a permis à la Cour d’explorer ces différentes strates d’actions étatiques. Un véritable accès universel suppose que la question de l’accessibilité soit identifiée comme une obligation générale par la législation interne, aux acteurs de trouver ensuite des solutions adaptées au handicap présenté par l’étudiant qu’il s’agisse d’une cécité[11] ou des difficultés liées à une mobilité réduite[12]. L’accessibilité est donc entendue comme l’expression d’un droit objectif par une règle de droit générale et s’imposant à tous et d’un droit subjectif bénéficiant à toute personne handicapée[13].

2. Une protection par la clause de non-discrimination

L’accessibilité touche l’égalité en son cœur car elle permet de mobiliser la notion de discrimination. En effet, l’accessibilité, qui naît de la différence objective entre les personnes souffrant d’un handicap et celles qui ne sont pas concernées, devient le produit de la discrimination lorsque, malgré la connaissance de la différence, les difficultés subies n’entrainent aucune réaction. Le mépris ou l’ignorance des difficultés d’accessibilité vécues par les personnes présentant un handicap constituent dès lors une forme de discrimination[14]. Cette considération produit des effets techniques importants dans le cadre de la mobilisation de la Convention européenne des droits de l’homme. Tout d’abord, l’accessibilité devient une problématique protégée par l’article 14 qui contient la clause de prohibition des discriminations. L’absence du handicap parmi les motifs de discrimination inscrits dans la liste n’a pas été un obstacle pour la Cour afin de l’adjoindre aux motifs initiaux[15], aidée pour cela par une liste conçue comme non exhaustive. Ensuite, le rattachement à la question discriminatoire offre à l’accessibilité un panel important de techniques conventionnelles qui tissent la réalisation effective de l’égalité au bénéfice des personnes présentant un handicap. Premièrement, l’accessibilité se lit par le prisme de l’article 14 dont on connaît l’absence d’indépendance. Il convient donc de lier le défaut d’accessibilité à un autre droit comme le droit au respect de la vie privée ou le respect du domicile pour ne reprendre que les points les plus évidents[16]. Deuxièmement, l’absence d’accessibilité relève en pratique du défaut d’action. Cette question doit alors être traitée sous l’angle des obligations positives de l’Etat et parfois de l’effet horizontal de la Convention lorsque le défaut d’accessibilité provient d’une personne privée. Ce point constitue une limite forte à la protection de l’accessibilité puisque l’arrêt Botta c. Italie, première affaire notable en la matière, s’y est douloureusement heurté lorsqu’il s’est agi pour le requérant de défendre son droit d’accéder à une plage malgré l’absence d’aménagement de la part d’un établissement de bains[17]. Troisièmement, dernier élément technique qui dérive des obligations positives, l’accessibilité suppose une action de l’Etat par une différence de traitement. Dès lors, il faut pouvoir articuler la requête autour de l’idée selon laquelle la différence de situations doit conduire à une différence de traitement[18]. Or, la Cour peut toujours parvenir à admettre une justification de l’absence de différenciation[19]. Pour terminer, le handicap est traditionnellement un motif permettant à diverses formes de discrimination de s’exprimer, notamment la discrimination indirecte (où le critère en apparence neutre défavorise dans les faits une catégorie de personnes)[20] et particulièrement la discrimination par association (où c’est un proche de la personne présentant la caractéristique qui est discriminé)[21]. Cette assise égalitaire complète sert à développer une protection à forte coloration sociale.

B. L’accessibilité, pilier social

La Cour se montre extrêmement généreuse sur le plan du vocabulaire et des notions qui viennent nourrir la nécessité de l’accessibilité. Elle emprunte un vocabulaire aussi bien classique que novateur afin de permettre aux personnes handicapées d’être elles-mêmes, mais également d’être elles-mêmes en compagnie des autres. Dans ce registre, la question de l’accessibilité bénéficie alors de la protection conventionnelle classique de l’autonomie personnelle (1), mais également, de manière plus inédite, de l’autonomie sociale (2).

1. La protection de l’autonomie personnelle

La Cour reprend très régulièrement les idées fortes développées par la Convention relative aux droits des personnes handicapée de l’ONU[22] et les recommandations du Conseil de l’Europe[23] selon lesquelles il faut garantir « la possibilité pour les personnes souffrant d’un handicap de vivre de façon autonome et dans le plein épanouissement du sentiment de dignité et d’estime de soi est d’une importance capitale »[24]. En des termes plus typiquement strasbourgeois se dessine la notion de « qualité de la vie » des requérants[25].

Plus précisément, c’est la notion d’autonomie personnelle découverte au sein de l’article 8 dans l’arrêt Pretty[26] qui est naturellement mobilisée à titre principal lorsque l’accessibilité en jeu. L’autonomie personnelle déborde alors du seul article 8 pour devenir un pilier de l’approche de l’égalité réelle au bénéfice des personnes handicapées. Elle est ainsi utilisée dans le contentieux récurrent du droit à l’instruction contenu dans l’article 2 du protocole additionnel 1[27]. Concrètement, l’autonomie personnelle constitue avant tout la possibilité pour la personne de mener sa vie dans les mêmes conditions qu’une personne ne présentant pas de handicap. Il s’agit d’une liberté d’accéder à des choix personnels et familiaux au même titre que tout individu. Si la Cour peut indiquer classiquement que « la liberté de faire ses propres choix » est « l’essence même de la Convention »[28], on comprend son caractère crucial lorsque le requérant présente un déficit initial sur ce terrain. Le handicap constitue une limitation des choix offerts à l’individu et pour lesquels l’Etat a un devoir d’ouverture afin d’effacer les disparités entre les personnes présentant un handicap et les autres. Or, l’accessibilité concerne l’ensemble des choix de vie, uniques comme plus répétitifs, essentiels comme plus quotidiens. L’autonomie personnelle trouve alors un relai dans la notion de droit au développement personnel qui lui permet de glisser vers un volet plus explicitement social[29] en incluant les rapports avec les autres.

2. La protection de l’autonomie sociale

L’accessibilité permet de reprendre le volet social de l’article 8 et engendre des problématiques sur l’identité aussi bien physique que sociale de l’individu[30]. Dès lors, « le droit d’établir et d’entretenir des rapports avec d’autres êtres humains et le monde extérieur » peut être mobilisé[31]. La Cour a même utilisé la notion de vivre-ensemble découverte en matière de liberté de religion dans le contexte de l’accessibilité[32].

L’arrêt Enver Sahin est riche du point de vue de ce qu’est l’autonomie sociale. Il exprime l’idée selon laquelle l’offre d’une personne dédiée à l’assistance de la personne handicapée, ici dans le cadre de l’enseignement supérieur, n’est pas toujours une solution satisfaisante. Elle ne peut l’être que si elle est décidée en fonction des besoins réels exprimés par la personne concernée. En effet, si l’aide humaine permet l’accès à des bâtiments, voire à l’instruction, elle peut devenir un obstacle pour « l’intéressé de vivre, autant que possible, de façon indépendante et autonome ». La décision Sentges c. Pays-Bas a été plus explicite[33] à ce propos en faisant comprendre que cette aide humaine, qui n’est pas le fruit d’un choix, peut constituer une barrière entre la personne handicapée et l’entourage avec lequel elle souhaiterait librement entretenir des liens. Elle ne doit pas non plus être un palliatif au défaut d’action de l’Etat en obligeant la personne présentant un handicap à devoir demander l’aide d’autres détenus[34]. Ainsi, l’accessibilité à des bâtiments et à des choix de vie comme l’accès à un diplôme, peut conduire à la dépendance à une autre personne et à une absence d’autonomie sociale dès lors que l’aide d’une tierce personne est la seule solution proposée alors qu’il peut en exister d’autres (en l’occurrence la demande était faite d’un bras robotisé)[35]. En conclusion, les choix de vie doivent être assortis des choix dans l’établissement des liens sociaux. Les liens sociaux doivent non seulement exister, au risque de laisser la personne dans un sentiment d’isolement[36], mais également relever d’un choix dans leur contenu. Cependant, tous ces élans protecteurs forts sont étouffés lors de l’analyse de la recevabilité de la requête.

Partie II – L’étouffement de la protection au stade de la recevabilité

La construction élaborée par la Cour démontre qu’elle est soucieuse de la question de l’accessibilité du moins sur le plan théorique. En effet, la protection reste très limitée en raison de constats de violation particulièrement rares en proportion du nombre de requêtes. Ce résultat est dû à une phase d’étude de recevabilité dévastatrice pour les requérants. A ce stade, la double dimension individuelle et catégorielle identifiée dans les principes de protection sont diversement appréciés lors de la recevabilité. La dimension individuelle s’avère souvent contreproductive (A), tandis que la dimension catégorielle est finalement très peu présente (B).

A. Les entraves produites par l’approche individuelle

Si la requête individuelle permise par l’article 34 de la Convention européenne des droits de l’homme impose nécessairement de faire une balance entre les intérêts du requérant et de l’Etat, celle-ci est particulièrement défavorable dans le cadre de l’accessibilité. D’une part, brandir l’accessibilité n’est pas suffisant en soi, la Cour demandant le plus souvent des facteurs complémentaires de difficulté (1). D’autre part, l’argument du coût financier vient détruire les espoirs d’aménagement du requérant (2).

1. Un défaut d’accessibilité insuffisant à lui-seul

Se placer à l’aune des difficultés individuelles et des problématiques d’aménagements raisonnables conduit la Cour à affirmer avec force la subsidiarité importante qui règne en la matière. En effet, « les autorités nationales se trouvent bien mieux placées qu’elle »[37] pour répondre aux besoins de chaque personne en situation de handicap. La focale individuelle de l’analyse des besoins nécessitant une action de la part de l’Etat éloigne la Cour de la situation qui admet en la matière une forte subsidiarité substantielle. Il est patent à la lecture des différentes affaires que, pour combler cette subsidiarité et dépasser le stade de la recevabilité, la situation doit présenter des facteurs supplémentaires que le seul handicap du requérant. L’accessibilité ne se suffit pas à elle-même. Il s’agit plus de considérer les conséquences de l’accessibilité que le défaut d’accès en lui-même. Dès lors, la Cour se montre attentive aux facteurs complémentaires à la seule vulnérabilité de la personne face aux difficultés d’accès à un lieu ou un service pour admettre la recevabilité.

Cela peut ainsi tenir à la vulnérabilité supplémentaire liée au contexte de détention du requérant[38]. On comprend que dans un contexte d’enfermement, sans adaptation du milieu carcéral, le défaut d’accessibilité peut prendre des proportions telles que l’article 3 et les mauvais traitements peuvent entrer en jeu. Plus surprenant, la forme de la discrimination semble aussi avoir une incidence avec la reconnaissance d’une discrimination par association. Si celle-ci vient permettre de considérer les retentissements du handicap sur les proches de la personne le subissant et accroît la protection, elle laisse un goût amer en matière d’accessibilité. Ainsi, dans l’arrêt Gubezina c. Croatie[39], bénéficiant de la classification d’affaire phare, la Cour admet la violation de l’article 1 du Protocole n° 1 concernant une question d’absence d’exonération de droits de mutation. Le défaut d’accessibilité à l’appartement possédé par les parents d’un enfant présentant un handicap a obligé la famille à acheter une maison sans pouvoir bénéficier d’une exonération des droits de mutation. L’admission de la discrimination, qui a un caractère à la fois indirect (la législation ne vise pas le handicap mais elle produit un désavantage en la matière) et par association (les droits de mutation concernent les parents de l’enfant handicapé), dans un contexte où les requêtes sur l’accessibilité aboutissent très peu, laisse l’impression fâcheuse que les proches sont mieux protégés que la personne handicapée elle-même[40] ou du moins qu’il faut que la situation englobe des tiers autres que la personne handicapée pour que la mesure de la discrimination soit prise à son juste niveau. En tout état de cause, la situation individuelle de la personne handicapée, sans présenter de caractéristique autre que celle du handicap, est le plus souvent insuffisante pour obtenir un constat de violation.

2. L’embûche de la charge financière de l’adaptation

Les adaptations nécessaires à l’accessibilité induisent des coûts qui pèsent sur les personnes privées (accès aux commerces par exemple) ou sur l’Etat (accès aux lieux publics, transports publics ou services publics). Il est également possible d’identifier des coûts indirects pour l’Etat lorsqu’il met en place des aides financières pour les acteurs privés, les employeurs par exemple, afin de réaliser les adaptations nécessaires. L’accessibilité est donc un engagement financier qui s’avère particulièrement pesant dans le contentieux européen lorsque l’analyse se fait par une balance entre les intérêts du requérant et de l’Etat.

Pourtant, l’approche financière n’est pas une évidence dans la protection européenne des droits de l’Homme. Elle ne trouve qu’une place réduite dans l’analyse relative à l’article 1 du Protocole n° 1. En effet, si la Cour a inclus dans la notion de biens les prestations sociales[41], elle admet néanmoins la variation de leur montant en raison des difficultés budgétaires de l’Etat[42]. Etant donné que peu de requêtes introduites sur le fondement de l’accessibilité impliquent l’article 1 du Protocole n° 1, l’argument financier semble a priori hors de contexte. Pourtant, il est particulièrement présent et se trouve être la source d’un nombre important de décisions d’irrecevabilité. Ainsi, en matière d’accessibilité, la dimension budgétaire a transpercé le droit au respect des biens pour être utilisé dans le cadre des droits civils et politiques. Par exemple, dans la décision Pentiacova c. Moldova[43], le coût des hémodialyses a permis un constat d’irrecevabilité au nom d’un grief manifestement mal fondé malgré la mise en jeu de l’article 8[44]. Cette diffusion de l’argument financier au-delà des seuls droits sociaux et économiques[45] s’explique justement par la coloration sociale donnée à l’accessibilité par la Cour lorsqu’elle évoque les grands principes protecteurs en la matière comme identifié supra. La décision Sentges c. Pays-Bas[46] trace d’ailleurs explicitement ce lien en indiquant que les revendications touchent « à des questions politiques et sociales impliquant des dépenses publiques ». Cette approche permet, qui plus est, de s’appuyer sur une subsidiarité forte et une plus large marge d’appréciation, le contexte étant celui « de ressources étatiques limitées » et de « priorités » à identifier[47]. Cette mise en place, lorsqu’elle est assise sur une lecture individuelle, conduit à une analyse des coûts nécessaires pour une personne seule et aboutit la plupart du temps à un constat de grief mal fondé. Seul l’arrêt Enver Sahin met véritablement l’aspect financier de côté pour aboutir à une violation l’article 2 du Protocole n° 1 combiné avec l’article 14[48]. Ce cas isolé montre que le handicap ne fait pas partie des motifs de discrimination prioritaires pour la Cour. En effet, la Cour refuse d’en tenir compte à propos de prestations sociales qui font ressortir des problématiques de discrimination entre les sexes[49] ou selon la nationalité[50]. Un des éléments d’explication peut provenir du fait que les personnes présentant un handicap ne sont pas perçues comme une catégorie lors de l’examen de la recevabilité.

B. Les déficits engendrés par l’absence d’une approche catégorielle

Si la dimension catégorielle est bien présente sur le plan des principes de protection affirmés par la Cour, elle n’entre pas en considération lors de l’examen de la recevabilité. Cela s’explique par le contenu des conditions posées de manière générale à cette étape procédurale (1), mais aussi par une indifférence au groupe que constituent les personnes en situation de handicap (2).

1. Le frein de la combinaison des conditions de recevabilité et d’applicabilité

Ces dernières années, la condition de recevabilité de l’épuisement des voies de recours interne constitue sans nul doute l’impasse la plus importante dans la réclamation d’une meilleure accessibilité. Peuvent être considérés deux types de contentieux : ceux qui mettent en avant un déficit d’accès concernant un acte unique et ceux qui contiennent une difficulté plus générale d’accès englobant différents évènements, similaires ou non, où l’accès s’est révélé impossible.

Dans le premier cas, l’obstacle de l’épuisement des voies de recours internes peut être a priori plus facilement levé. L’acte unique rend le cheminement procédural plus simple, à la condition de bien choisir son recours. Ainsi, le défaut d’installation de toilettes adaptées dans l’administration suppose d’engager la responsabilité de cette dernière et non du chef de service passif[51]. En dehors de cet obstacle particulier, la Cour peut parvenir à quelques arrêts de violation. Par exemple, l’impossibilité de pouvoir suivre des études de musique au conservatoire en raison d’une cécité conduit à une violation de l’article 2 du Protocole n° 1 relatif au droit à l’instruction[52]. De même, en vertu du même article, le défaut d’aménagement des bâtiments universitaires, obligeant alors le requérant à renoncer à des études supérieures[53], provoque une violation. En revanche, dès lors que l’étudiant n’a pas renoncé à poursuivre ses études et a essuyé plusieurs échecs dans différentes universités lui ayant pourtant chacune promis un accès aux bâtiments et salles de cours, il se confronte au fait qu’il n’a pas épuisé, pour chaque exclusion, les voies de recours internes et se voit ainsi privé d’une analyse sur le fond[54].

Plus largement, il peut être constaté que le fait que la personne handicapée tente de trouver des solutions par elle-même, fait preuve d’autonomie décisionnelle, se révèle parfois contraire à ses intérêts. En effet, elle peut s’écarter des procédures internes élaborées par l’Etat, lequel est alors considéré comme ayant rempli ses obligations positives. Ainsi, en matière de logement, si celui qui est proposé ne présente pas toutes les caractéristiques adaptées au handicap du requérant, ce dernier n’a pas à vivre en mobil-home[55] ou demander de l’aide extérieure pour la mise en état de l’appartement malheureusement squatté par la suite par ses « bienfaiteurs »[56] pour espérer franchir le seuil de la recevabilité. Il lui faut respecter la procédure et, en somme, ne pas faire preuve de débrouillardise ou d’initiative. En revanche, si la Cour soumet l’Etat à un devoir d’action, la reconnaissance du caractère étriqué de celle-ci ne permet pas pour autant de franchir le cap de la recevabilité[57] et la « garantie de jure » de l’accessibilité par la législation interne est parfois suffisante pour la Cour[58].

Dans la deuxième hypothèse, lorsque les évènements ne sont pas similaires mais relèvent d’un ensemble de difficultés quotidiennes (accès aux trottoirs, à des bâtiments administratifs ou différents lieux commerciaux), il est nécessaire que la requête établisse soit un épuisement des voies de recours pour chaque élément invoqué[59], soit un « lien spécial »[60] attestant d’une utilisation réelle par la personne dans sa vie courante afin que l’article 8 soit applicable ratione materiae[61]. Or, tout acte ne peut servir de support à la demande de manque d’accessibilité et le grand nombre d’évènements listés dans la requête font douter la Cour d’une utilisation réelle[62]. La disqualification pour irrecevabilité est alors engagée. Ces écueils rendent difficilement concevables la remarque de la Cour dans la décision Molka c. Pologne[63] où le requérant, refoulé d’un bureau de vote, n’a pas connu de traitement au fond de sa demande au motif que l’incident dont il a été victime n’était qu’un incident isolé et ne relevait pas d’une série d’obstacles. Si l’on suit la logique de la Cour telle qu’apparue dans les autres décisions, il faudrait dans ce cas s’assurer d’un épuisement des voies de recours internes pour chaque acte mentionné et à la condition que ces actes restent dans le giron de l’article 8 et ne tombent pas dans les oubliettes de l’effet horizontal qui est dorénavant analysé lors de la recevabilité[64] et non plus au fond comme l’arrêt Botta[65] de 1998 avait pu le faire. L’analyse combinée des décisions d’irrecevabilité dresse un paysage peu reluisant qui peut s’expliquer par le fait que la Cour ne conçoit pas le handicap, au contraire de ce qu’elle considère pour d’autres motifs de discrimination, comme constitutif d’un groupe d’individus.

2. L’indifférence face au groupe constitué des personnes présentant un handicap

Si la Cour, lors de l’analyse de l’épuisement des voies de recours internes, semble chercher à éviter ce que des auteurs ont pu appeler le « handicap prétexte »[66], elle se montre à l’occasion volontiers moralisatrice envers le requérant. Ainsi, dans l’affaire Farcas c. Roumanie[67], la Cour indique qu’il était « loisible » au requérant, à défaut de pouvoir le faire seul, de demander à un mandataire, au besoin un membre de sa famille, d’effectuer les démarches en justice à sa place. Si l’expression n’est pas cantonnée à la question du handicap, elle fragilise nettement l’affirmation principielle de l’autonomie personnelle au sein de la question de l’accessibilité. De même, lorsque la Cour indique, pour constater l’irrecevabilité de la requête d’une personne n’ayant pas pu accéder à un cinéma de sa ville[68], que le film diffusé l’était dans d’autres cinémas dans d’autres villes[69], elle fait fi des difficultés de déplacement de celle-ci en dessinant en creux l’idée d’adaptation du requérant à la situation et non des acteurs à la situation de requérant. La même dynamique se retrouve en matière d’accès à l’école pour les enfants autistes : le droit à l’instruction est sauvegardé dès lors qu’une solution est offerte, peu importe que cela ne soit pas le choix premier de la famille ou qu’une rupture dans la scolarisation ait eu lieu[70].

Dès lors, le refus d’une seule école n’est pas suffisant pour envisager de trancher l’affaire dans le cadre d’un arrêt[71]. Or, comme nous avons pu le constater, la pluralité de refus entraine la nécessité d’un épuisement des voies de recours internes pour chaque décision négative. De manière encore plus marquée, la Cour explique dans la décision Gherghina[72] que le requérant, ayant fait l’effort d’aller dans plusieurs universités afin de poursuivre ses études et en se confrontant à chaque fois des difficultés d’accès, ayant également subi des difficultés d’accès aux juridictions compétentes, aurait dû contester chaque décision d’établissement conduisant à sa radiation car ses actions auraient pu servir d’exemple aux autres personnes concernées. Le requérant endosse alors l’habit de « role model », de modèle pour les autres personnes vivant des difficultés similaires. Mais la Cour ne va pas au-delà de cette moralisation du requérant et ne tient pas compte elle-même de cette dimension catégorielle. En s’appuyant sur l’individu la juridiction occulte la dimension de groupe, ce qu’elle ne fait pas concernant le sexe ou la race et l’ethnie par exemple. Au contraire, dans ces derniers cas, elle lit la situation du requérant au travers du prisme de l’appartenance à une catégorie. Le défaut d’action de l’Etat ou sa trop faible intensité concernant la victime est englobé si nécessaire dans une situation plus générale vécue par les personnes présentant la même caractéristique. Ainsi, les actes de discrimination parfois violents vécus sur le continent européen par les Roms en font un groupe particulièrement vulnérable[73], tandis que l’attentisme, voire le dédain, de certains Etats face aux violences subies par les femmes confine à une discrimination systémique[74]. Or, en matière de handicap, la question de l’accessibilité est une question éminemment catégorielle. Certes, elle subit des variations selon les difficultés individuelles et elle ne peut s’exprimer de la même manière entre une personne ayant des difficultés motrices et une personne sourde, mais elle reste une question cruciale pour toute personne handicapée. Quand les requérants multiplient les exemples d’obstacles, y compris en ajoutant des témoignages d’autres personnes[75], il leur est répondu qu’il faut épuiser l’intégralité des voies de recours ou que tous ces exemples présentent une sorte de caractère factice. Or, c’est justement cette multiplicité des obstacles qui montre un caractère systémique et un défaut d’action générale de la part de l’Etat. Pourtant, la Cour utilise le qualificatif « systémique », mais au détriment du requérant : l’absence de refus systémique, au sens de répété, concernant sa scolarisation par exemple, empêche la recevabilité de la requête[76]. Cette absence de prise en compte de la dimension catégorielle peut paraître comme étant une maladresse, mais elle peut aussi être comprise comme volontaire. En effet, la Cour a pu admettre avoir peur du précédent que le constat de violation pourrait entrainer auprès des Etats membres afin de refuser un aménagement raisonnable[77].

Il est temps qu’à l’instar d’autres motifs de discrimination, le handicap soit identifié comme prioritaire et que l’accessibilité, point d’accroche de tous les handicaps, soit traitée comme une urgence égalitaire. De ce point de vue, au-delà des seuls décisions et arrêts, il est intéressant de constater que le handicap ne bénéficie pas d’une fiche thématique propre[78] au titre des discriminations au contraire des motifs prioritaires[79] sur le site de la Cour[80]. Il ne bénéficie que d’une fiche dans l’onglet santé, ce qui s’avère particulièrement réducteur. Il est temps de monter en gamme et de faire du handicap une véritable question européenne. Certes, la « particulière vulnérabilité »[81] est parfois reconnue en matière de handicap et le requérant doit s’appuyer sur les conséquences pratiques de sa caractéristique pour obtenir gain de cause[82], certes le handicap bénéficie d’un ensemble d’avancées jurisprudentielles, mais tous ces éléments restent pour l’essentiel purement théoriques en raison des blocages liés à la recevabilité des requêtes. Il est regrettable que les aspirations conventionnelles des requérants présentant un handicap soient étouffées au stade de la recevabilité par l’effet combinatoire de différentes conditions lues de manière autonome et qui conduisent à ignorer les difficultés spécifiques de cette catégorie de la population. Si l’on comprend l’impossibilité de tordre les conditions de recevabilité au bénéfice d’une catégorie, même si une forme de souplesse a pu voir le jour concernant les droits intangibles ou certaines circonstances spécifiques[83], il n’empêche que celles-ci paraissent particulièrement inadaptées à la question de l’accessibilité. Elles laissent parfois le sentiment d’une forme de moralisation paternaliste des requérants alors même que la Cour reconnait sa propre frilosité.

Il faut donc explorer des voies qui permettraient à la Cour de briser les barrières qu’elle a construites dans ses décisions d’irrecevabilité. L’appui des associations, notamment par le biais de tierces interventions peut être un chemin à suivre[84]. Mais c’est du côté de la massification du contentieux qu’il faut sans doute se tourner en priorité. Le contentieux sériel, par la multiplication des cas soumis à la Cour en un temps court peut permettre de déclencher la procédure d’arrêt pilote[85] qui, par nature, prend en considération le volet systémique de la situation vécue par les requérants. Il est également possible de se tourner vers l’action de groupe. L’ineffectivité du dispositif devant les juridictions françaises jusqu’à présent, qui tient aussi bien d’erreurs de lecture des mécanismes juridiques de non-discrimination par le juge que de défauts de la procédure telle que créée par le législateur[86], laisse entrevoir des possibilités de saisines strasbourgeoises. L’action de groupe, par la collectivisation du contentieux, permet de hisser la problématique discriminatoire au rang du système.

Il est temps que la Cour devienne ce qu’elle demande parfois aux requérants : un modèle juridictionnel en matière d’accessibilité. Pour l’instant, malgré de grandes déclarations de principe, elle est en pratique timorée. D’ailleurs, elle se soucie dans les faits peu de cette question pour elle-même. Si la brochure de présentation de la Cour[87] indique le nombre d’ampoules du bâtiment ou celui des bacs à plantes, le nombre d’ascenseurs mis à part, aucune indication liée à l’accessibilité des lieux aux personnes présentant un handicap n’est y mentionnée…

 

Authors

Delphine Tharaud, Maîtresse de conférences HDR en droit privé, Université de Limoges – OMIJ

Referencing

Delphine Tharaud, « Plaidoyer pour un meilleur accueil par la Cour européenne des droits de l’homme des requêtes fondées sur le défaut d’accessibilité », Europe of Rights & Liberties/Europe des Droits & Libertés, septembre 2021/2, n° 4, pp. 185-198.

Cour EDH, 23 juillet 1968, Affaire « Linguistique belge ». Dans le cadre de l’accessibilité : Cour EDH, 23 février 2016, Ҫam c. Turquie, req. no 51500/08.

Recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe 1185 (1992) du 7 mai 1992 relative aux politiques de réadaptation pour les personnes ayant un handicap.

Cependant, il faut bien comprendre que la distinction entre différence objective et subjective est ici considérablement complexe à dénouer, le fait de penser la société au seul prisme des personnes valides pouvant être considéré comme en soi une discrimination. Ici naît la perception d’une société validiste où les personnes handicapées ne bénéficient que d’une considération amoindrie et dans la mesure où elles ne dérangent pas l’ordre établi par et pour les valides.

Sur cette idée, voir François Cafarelli, « L’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées : vers une mutation du principe d’égalité ? », RDLF 2011, chron. n°10.

Jean-Marc Pastor, « L’agenda d’accessibilité programmée au secours de la loi du 11 février 2005 », D. act., 28 février 2014.

Par exemple, la surdité ou la cécité doivent engager d’autres aménagements.

Cour EDH GC, 6 avril 2000, Thlimmenos c. Grèce, req. n°34369/97.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées définit ainsi les aménagements raisonnables dans son article 2: « les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée ».

Cour EDH, 23 févr. 2016, Ҫam c. Turquie, req. no 51500/08 ; Cour EDH, 30 janv. 2018, Şahin c. Turquie, req. no 23065/12.

Cour EDH, 23 févr. 2016, Ҫam c. Turquie, req. no 51500/08.

Cour EDH, 30 janv. 2018, Şahin c. Turquie, req. no 23065/12.

Augustin Boujeka, « Accessibilité », in D. Tharaud et C. Boyer-Capelle (dir.), Dictionnaire juridique de l’égalité et de la non-discrimination, L’Harmattan, 2021, p. 15.

Cour EDH, 23 févr. 2016, Ҫam c. Turquie, req. no 51500/08 ; Cour EDH, Déc., 8 novembre 2016, Sanlisoy c. Turquie, req. n°77023/12 ; Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12.

Cour EDH, 22 février 1994, Burghatz c. Suisse, req. n°16213/90.

Le protocole 12 qui donne toute son indépendance à la prohibition des discriminations reste peu ratifié. Notamment, la France a toujours indiqué son refus de le faire.

Cour EDH GC, 24 février 1998, Botta c. Italie, req. n°21439/93.

Cour EDH GC, 6 avril 2000, Thlimmenos c. Grèce, req. n°34369/97.

Tout comme l’Etat peut justifier d’une différentiation, l’absence de différenciation peut être justifiée. Sur les justifications, voir Frédéric Sudre et alii, Les grands arrêts de la Cour européenne des Droits de l’Homme, PUF, 2019, 9ème édition, p. 113 et s.

Cour EDH, 22 mars 2016, Gubezina c. Croatie, req. n°23682/13.

La discrimination par association a d’ailleurs été découverte en premier lieu par la Cour de Justice dans le contexte du handicap : CJCE, 17 juillet 2008, Coleman, C-303/06, ECLI:EU:C:2008:415.

Convention relative aux droits des personnes handicapées du 13 décembre 2006.

Recommandation du Comité des ministres n°R(92)6 du 9 avril 1992 relatif à une politique cohérente pour les personnes handicapées ; Recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil européen 1185(1992) du 7 mai 1992 relative aux politiques de réadaptation pour les personnes ayant un handicap.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12 ; voir également, Cour EDH, 23 févr. 2016, Ҫam c. Turquie, req. no 51500/08.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02 ; Cour EDH, Déc., 5 février 2013, Bayrakci c. Turquie, req. n°2643/09.

Cour EDH, 29 avril 2002, Pretty c. Royaume-Uni, req. n°2346/02.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12.

Ibid.

Cour EDH, Déc., 25 juin 2006, Glaisen c. Suisse, req. n°40477/13.

Ibid.

Cour EDH, Déc., 14 mai 2002, Zehnal et Zehnalova c. République tchèque, req. n°38621/97.

Cour EDH, Déc., 25 juin 2006, Glaisen c. Suisse, req. n°40477/13.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02.

Cour EDH, 25 juin 2016, Grimailovs c. Lettonie, req. n°6087/03.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02.

Cour EDH, GC, Déc., 9 juillet 2015, Gherghina c. Roumanie, req., n°42219/17. Dans cette affaire, l’université n’a offert au requérant que la possibilité de suivre un cursus à distance, à défaut de pouvoir mettre en place un accès aux bâtiments et salles de cours. Celui-ci se plaint devant la Cour du sentiment d’isolement et du manque de contact avec les autres étudiants et plus largement le monde universitaire, ce que ce dernier peut parfaitement mesurer aujourd’hui avec la crise du Covid. Malgré la prise en compte de ces arguments par la Cour, celle-ci conclut à une absence de recevabilité.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12.

Cour EDH, 24 octobre 2006, Vincent c. France, req. n°6253/03 ; Cour EDH, 25 juin 2016, Grimailovs c. Lettonie, req. n°6087/03. Le déficit d’accessibilité provoque alors une violation de l’article 3 au titre du traitement dégradant. Sur ce point : J.-B. Thierry, « Condamnation de la France pour traitement dégradant envers un détenu handicapé », JCP G 2007, p. 34.

Cour EDH, 22 mars 2016, Gubezina c. Croatie, req. n°23682/13.

Dans le même esprit, la Cour admet une violation de l’article 6§1 concernant l’absence de versement d’une prestation au bénéfice de famille s’occupant à domicile de personnes présentant un handicap : Cour EDH, GC, 5 octobre 2000, Mennitto c. Italie, req. n°33804/96.

Cour EDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n°17371/90.

Cour EDH, Déc., 8 octobre 2013, Da Conceiçao Mateus c. Portugal, req. n°32235/12 et Santis Januario c. Portugal, req. n° 57725/12.

Cour EDH, Déc., 4 janvier 2016, Pentiacova c. Moldova, req. n°14462/03.

La conclusion de la Cour s’explique par un manque d’éléments factuels apportés par le requérant concernant l’accès au traitement dans d’autres hôpitaux.

Sur les difficultés de justiciabilité des droits sociaux : Diane Roman, « La justiciabilité des droits sociaux ou les enjeux de l’édification d’un Etat de droit social », revdh, n°1, 2012, https://journals.openedition.org/revdh/635.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02.

Ibid.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12.

Cour EDH, 20 octobre 2020, B. c. Suisse, req. n°78630/12.

Cour EDH, 16 septembre 1996, Gaygusuz c. Autriche, req. n°17371/90.

Cour EDH, Déc., 5 février 2013, Bayrakci c. Turquie, req. n°2643/09.

Cour EDH, 23 février 2016, Çam c. Turquie, req. n°51500/08.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12.

Cour EDH, GC, Déc., 9 juillet 2015, Gherghina c. Roumanie, req., n°42219/17.

Cour EDH, Déc., 4 mai 1999, Marzari c. Italie, req. n°36448/97.

Cour EDH, Déc., 13 janvier 2000, Maggiolini c. Italie, req. n°35800/97.

Cour EDH, Déc., 25 juin 2006, Glaisen c. Suisse, req. n°40477/13. La Cour reconnaît dans cette décision l’« interprétation restrictive » de la Suisse sur l’accessibilité et plus largement sur la discrimination qui n’est envisagée que comme une différence de traitement « particulièrement marquée et gravement inégalitaire ».

Cour EDH, Déc., 18 décembre 2018, Dupin c. France, req. n°2282/17.

Cour EDH, Déc., 14 novembre 2017, Popa c. Roumanie, req. n°4238/09.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02 ; Cour EDH, Déc., 25 juin 2006, Glaisen c. Suisse, req. n°40477/13.

Les requérants, dans l’affaire Zehnal et Zehnalova, font état de 220 bâtiments pour lesquels une demande d’accessibilité a été effectuée. La Cour répond à ce nombre par un doute quant à « l’utilisation quotidienne » des bâtiments identifiés.

Cour EDH, Déc., 14 mai 2002, Zehnal et Zehnalova c. République tchèque, req. n°38621/97.

Cour EDH, Déc., 11 avril 2006, Molka c. Pologne, req. n°56550/00.

Cour EDH, Déc., 14 mai 2002, Zehnal et Zehnalova c. République tchèque, req. n°38621/97.

Cour EDH, GC, 24 février 1998, Botta c. Italie, req. n°21439/93.

Hervé Rihal, « La responsabilité de l’Etat du fait des difficultés d’accès des lieux de travail d’un auxiliaire de justice handicapé », RDSS 2011, p. 151.

Cour EDH, Déc., 14 septembre 2010, Farcas c. Roumanie, req. n°32596/04.

Cour EDH, Déc., 25 juin 2006, Glaisen c. Suisse, req. n°40477/13.

Des statistiques précises sur le nombre de films uniquement diffusé dans le cinéma en question sont d’ailleurs reprises par la Cour pour identifier la fragilité de la demande.

La Cour note que si la rupture est effectivement constatée, le requérant n’apporte pas la preuve qu’il ait été refusé par une école publique pendant cette période après le refus subi par une école privée : Cour EDH, Déc., 8 novembre 2016, Sanlisoy c. Turquie, req. n°77023/12.

Cour EDH, Déc., 13 janvier 2009, Kalkanli c. Turquie, req. n°2600/04. Une dynamique similaire se retrouve également en matière de logement : l’Etat a l’obligation de fournir un logement adapté, mais pas un logement en particulière : Cour EDH, Déc., 4 mai 1999, Marzari c. Italie, req. n°36448/97.

Cour EDH, GC, Déc., 9 juillet 2015, Gherghina c. Roumanie, req., n°42219/17.

Cour EDH, 14 mai 2020, Hirtu c. France, req. n°24720/13.

Cour EDH, 8 juillet 2021, Tkhelidze c. Géorgie, req. n°33056/17.

Cour EDH, GC, Déc., 9 juillet 2015, Gherghina c. Roumanie, req., n°42219/17.

Cour EDH Déc., 8 novembre 2016, Sanlisoy c. Turquie, req. n°77023/12 ; Cour EDH, Déc., 18 décembre 2018, Dupin c. France, req. n°2282/17.

Cour EDH, Déc., 8 juillet 2003, Sentges c. Pays-Bas, req. n°27677/02.

Seuls sont identifiés le sexe, l’homosexualité, l’orientation sexuelle (qui recoupe donc l’homosexualité), l’identité de genre et la question des roms (qui utilise les motifs de la race et de l’ethnie).

La Cour a rationalité son approche des motifs prioritaires dans l’arrêt Chabauty c. France (GC, 4 octobre 2012, req. n°57412/08).

Le fait que le handicap ne soit pas présent dans la liste des motifs de l’article 14 n’est pas un obstacle quant à une éventuelle déclaration de priorité puisqu’elle l’a fait pour l’orientation sexuelle.

Cour EDH, 30 janvier 2018, Enver Sahin c. Turquie, req. n°23065/12. Sur ce point : Anastasia Iliopoulou-Penot, Répertoire de droit européen, Conv. EDH, art. 14 : Non-discrimination, Dalloz.

Le requérant ne l’ayant pas fait et son information concernant la procédure le concernant ayant été faite, sa requête est irrecevable : Cour EDH, Déc., 13 novembre 2018, Neagu c. Roumanie, req. n°66952/12.

Carine Laurent-Boutot, La Convention européenne des droits de l’homme, Ellipses, 2019, p. 92.

Cela a déjà été à plusieurs reprises le cas, notamment dans l’affaire Gubezina c. Croatie où la Cour a admis une violation de l’article 1 PA1.

Article 61 du règlement de la Cour.

Marie Peyronnet, « L’action de groupe « discrimination » a déjà atteint ses limites », D. act. 11 janvier 2021 ; Christophe Radé, « Pschitt au pays des discriminations », D. soc. 2021, p. 97.

https://www.echr.coe.int/Documents/Court_in_brief_FRA.pdf.

ABSTRACT
The European Court of Human Rights is particularly attentive to the need for accessibility for people with disabilities. To this end, it mobilises a series of concepts such as non-discrimination, personal autonomy or the freedom to make one’s own choices. However, the very large number of inadmissibility decisions shows a lack of effective protection. The Court still has a narrow view around disability issue and fails to take into account the systemic dimension of the lack of accessibility.


RESUME
La Cour européenne des droits de l’homme se montre particulièrement attentive au besoin d’accessibilité des personnes présentant un handicap. Elle mobilise pour cela un ensemble de notions comme la non-discrimination, l’autonomie personnelle ou la liberté de faire ses propres choix. Cependant, le nombre très important de decisions d’irrecevabilité montre une protection effective défaillante. La Cour butte sur une vision encore étriquée de la question du handicap et ne parvient pas à prendre en compte la dimension systémique du défaut d’accessibilité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

  • Partie I - L’énergique affirmation de principes protecteurs
    • A. L’accessibilité, pilier égalitaire
    • B. L’accessibilité, pilier social
  • Partie II - L’étouffement de la protection au stade de la recevabilité
    • A. Les entraves produites par l’approche individuelle
    • B. Les déficits engendrés par l’absence d’une approche catégorielle